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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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des journaux qui paraissent encore ne sont plus diffusés hors des villes où ils sont imprimés. Seule l’annonce de l’armistice a pénétré cette masse itinérante, glissé le long des routes, de chemin en chemin, de bouche à oreille, achevant de désespérer ce peuple accablé.
    Il ne peut en être de même du drame de Mers el-Kébir. Le nom même est inconnu de tous. Au milieu de la gigantesque bataille qui vient d’être perdue sur le territoire national, faut-il s’intéresser à des coups de canon échangés par des bateaux au-delà de la Méditerranée ?
    Charles de Gaulle qui, à Londres, peine à rassembler ses premiers partisans, va en ressentir – lui – tout l’effet : « C’était dans nos espoirs un terrible coup de hache. Le recrutement des volontaires s’en ressentait immédiatement. Beaucoup de ceux, civils ou militaires, qui s’apprêtaient à nous rejoindre tournèrent alors les talons  (37) . »
    À Vichy, c’est le 4 juillet au matin que l’on commence à connaître le nombre approximatif des morts et l’étendue des ravages opérés par les obus anglais.
    Dès 8 h 30, François Darlan fait irruption dans le bureau du Maréchal. Il y trouve Laval et Baudouin, ministre des Affaires étrangères. La voix de Darlan tremble de colère :
    — J’ai été trahi par mes frères d’armes. Ils n’ont pas cru à la parole que je leur donnais.
    Il annonce que les unités françaises vont recevoir de lui l’ordre d’attaquer tous les navires anglais qu’ils rencontreront.
    Baudouin se récrie :
    — Mais c’est la guerre avec l’Angleterre !
    — Nous avons décidé, lance Laval, de répondre par une attaque à l’attaque d’hier.
    Le vieux maréchal écoute tout cela. Chacun tente de le convaincre. Finalement c’est Baudouin qui l’emporte : on renonce à attaquer la flotte britannique mais on rompt les relations diplomatiques avec la Grande-Bretagne.
    Le bilan français de Mers el-Kébir : 1 297 tués, 351 blessés.
     
    Faut-il, pour expliquer cette tragédie, évoquer le traditionnel antagonisme entre marines française et anglaise ? Robert Aron a décelé à Mers el-Kébir une « manière bien anglaise de brûler ses vaisseaux en immolant ceux des autres ». Sommes-nous en présence, de la part du gouvernement britannique, d’une raison consciente qui est la crainte de voir la Marine française renforcer le potentiel de guerre de l’Axe et d’une seconde ; inconsciente, qui serait la volonté de frapper pour longtemps un compétiteur jalousé ?
    Je relis ce que Churchill a écrit de Mers el-Kébir, non dans le feu de l’action, mais bien des années plus tard : « Ce fut une décision odieuse, la plus inhumaine, la plus pénible de toutes celles que j’aie jamais eue à partager. Les Français étaient encore nos alliés très chers et nous éprouvions une sincère sympathie pour leur pays qui avait tant souffert… De l’autre côté, notre existence nationale et le salut de notre cause étaient en jeu. C’était une tragédie grecque. Pourtant jamais acte ne fut plus nécessaire à la vie de l’Angleterre. Je pensai aux paroles de Danton : “Jetons-leur une tête de roi”. L’événement tout entier se situait dans cette perspective-là. »
    Quand, à la Chambre des communes, le « Vieux Lion » a annoncé la « victoire » de Mers el-Kébir, une vague d’acclamations a jailli sur tous les bancs. Le lecteur français, tant d’années après, ne peut que le ressentir amèrement. L’équité oblige à reconnaître que, du strict point de vue britannique, cette « victoire » a produit son effet.
    Jusque-là les forces anglaises n’avaient guère combattu. Aux yeux du monde, leur intervention en France avait surtout été marquée par la défaite de Dunkerque. Désormais repliée sur l’île qu’elle se préparait à défendre en équipant de bâtons la garde civile, l’Angleterre ne recueillait de son adversaire que des commentaires goguenards. La victoire définitive de l’Allemagne sur la Grande-Bretagne semblait, aux yeux des plus avertis, ne représenter qu’une sorte de formalité.
    Mers el-Kébir a changé tout cela. Le feu ouvert sur la flotte française a pris tout son sens. Il exprime « le désir d’affirmer par un geste tragique la volonté anglaise de combattre désespérément  (38)  ».
    Bientôt, la Royal Air Force tiendra tête aux vagues d’assaut de Goering. La volonté anglaise de combattre

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