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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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familiers – Bonny se fait fort de retrouver les talons de chèques disparus du dossier  (41) . La presse d’opposition mène grand bruit autour de cette disparition. On jure que des hommes politiques considérables sont compromis. Quand Bonny – grâce à ses relations dans le milieu — rapporte les 1 200 talons, le ministre Chéron s’écrie un peu inconsidérément :
    — Jeune homme, vous avez sauvé la République ! Vous êtes le premier policier de France !
    On s’aperçoit trop tard que Bonny, depuis des années, se mêle d’affaires louches. Un an après, compromis au-delà de toute expression, Bonny est révoqué et condamné à trois ans de prison avec sursis. En 1937, nouvelle condamnation à trois mois de prison ferme. C’en est fini des belles ambitions de l’inspecteur Bonny. L’arrivée des Allemands le trouve dans la misère. Prêt à tout. Un ami lui fait rencontrer Radecke qui l’introduit rue Lauriston. Bonny est un organisateur. Il sait tenir des dossiers, toutes choses dont Lafont – qui sait à peine lire et écrire – est incapable. Du patron, il deviendra le complément indispensable.
    L’appellation « Gestapo Bonny-Lafont » n’en est pas moins erronée. De cette sinistre entreprise, il n’y aura toujours qu’un seul chef : Lafont. Bonny, employé supérieur, n’a pas moins joué son rôle. À son procès, le procureur Reboul lui dira :
    — Vous avez, par votre compétence administrative, donné à la « Gestapo française » le lien qui lui manquait. Vous en avez fait une administration officielle, vous avez assuré la pérennité de sa puissance. À votre apparition, l’assemblage disparate de malfaiteurs, que Lafont avait réunis en une bande organisée, devait devenir ce que vous avez appelé le « Service ». Il s’y rédige des rapports qui ont la forme administrative. Les Allemands savent qu’ils peuvent compter sur vous d’une façon durable, et ils vous englobent dans leur système administratif. C’est grâce à vous que Lafont, un beau matin, a pu glisser dans la paume des Allemands un rouage précis, huilé, ciselé, qu’il n’y a plus qu’à enchâsser dans la machine policière qui broie le cœur de la patrie.
     
    Contre les réseaux de Résistance, contre les maquis où, de plus en plus nombreux, se regroupent ceux que l’on appelle les « terroristes », l’efficacité du Service va se révéler redoutable. Daniel Hirbes dénonce le groupe « Résistance-Fer ». Après s’être infiltré dans l’organisation, Bernard Tertre porte des coups sérieux aux maquisards de « Libération vengeance ». Lafont élimine personnellement le réseau « Défense de la France » auquel appartient Geneviève de Gaulle. Le 26 juillet 1943, Bonny arrête lui-même la nièce du général.
    De juin 1942 à juillet 1944, la bande participe à plusieurs opérations en province. Innombrables, les arrestations de résistants aussitôt « interrogés » sur le terrain, mais aussi rue Lauriston.
    On a affirmé que Lafont était l’inventeur du supplice de la baignoire. Le certain est que la bande utilise abondamment cette méthode née de l’Occupation. Très simple : on attache les mains du « client » dans le dos par des menottes. On remplit une baignoire d’eau glacée. On plonge sous l’eau la tête de celui dont il faut tirer des aveux. Lorsque le supplicié cesse de se débattre, prouvant par là qu’il a atteint la suffocation complète, on le ramène à la surface en le tirant brusquement par les cheveux. Si, ayant à peine repris souffle, il refuse encore de parler, on le replonge dans l’eau.
    Parfois, certaines des maîtresses de Lafont assistent aux interrogatoires. Il advient qu’elles mettent la main à la pâte, brûlant par exemple avec une cigarette la pointe des seins d’autres femmes arrêtées. Pour obtenir des aveux, toutes les méthodes sont bonnes. Jacques Delarue en énumère un certain nombre. Tantôt, le « terroriste » doit s’agenouiller sur une règle triangulaire, cependant que l’un des hommes de Lafont monte sur ses épaules, tantôt on le suspend par les bras ramenés en arrière, à moins que l’on préfère le frapper à coups de pied, de poing, de nerf de bœuf. Le résultat est le même : la perte de conscience. Pour réveiller le « client », on lui jette un seau d’eau en pleine figure. « On limait les dents, dit encore Jacques Delarue, on arrachait les ongles, on brûlait avec

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