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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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crime ! Devant le désarroi des siens, il explique :
    — Je pourrai ainsi tirer au clair ce qu’il y a de vrai dans ces diverses rumeurs et ce qui se passe réellement dans les SS.
    Le pasteur Wehr, qui vient de célébrer l’office des morts, recueille également la confidence des intentions de Gerstein : « Il me fit alors part de sa décision de contrôler à tout prix la véracité des rumeurs circulant sur ce genre de crimes. Je lui déconseillai de pénétrer dans le camp des puissances démoniaques, mais il opposa à mes objections une résolution passionnée et inébranlable. »
    Précieuse, l’analyse que Gerstein tracera lui-même de son comportement : « Je n’avais qu’un seul désir : voir, voir clairement toute cette machinerie et alors crier dans tout le peuple ! Mais, même si ma vie était menacée, je n’avais pas de scrupule, j’avais moi-même été berné deux fois par des agents du SD qui s’étaient infiltrés dans les milieux les plus exclusifs de l’Église protestante et priaient à côté de moi. Je pensais : “Ce que vous êtes capables de faire, je saurai le faire mieux que vous”, et je me portai volontaire pour la SS  (55) . »
    Ainsi présenté, l’engagement de Gerstein apparaîtrait comme un acte d’héroïsme pur et simple. Il faut nuancer l’expression de notre admiration.
    Gerstein a déclaré à son vieil ami Scharkowski que c’est le service de Sécurité chargé de le surveiller qui lui aurait proposé d’entrer dans la SS. Cette explication, le tribunal de Francfort, en 1955, semble l’avoir tenue pour valable. Interrogé par un juge militaire français en juin 1945, Gerstein l’a d’ailleurs confirmée.
    Question  : Comment pouviez-vous entrer dans cette organisation (les Waffen-SS) après avoir été vous-même plusieurs fois arrêté par la Gestapo ?
    Réponse  : J’acceptai simplement les propositions que me fit la Gestapo lors de ma deuxième arrestation.
    Rappelons que cette arrestation se situe au moment du prétendu complot monarchiste. Rappelons que c’est un membre de la Gestapo qui, ayant pris Gerstein en amitié, l’a fait libérer. Est-il surprenant de lui prêter ce langage : « Une seule solution pour échapper aux soupçons. Il faut vous engager dans les Waffen-SS » ?
    Si les circonstances de l’engagement de Gerstein dans la SS sont plus complexes qu’il ne l’a exprimé lui-même, ses raisons profondes ne peuvent être mises en doute : c’est bien pour savoir , c’est bien pour pouvoir témoigner que Gerstein est entré dans les SS. Une lettre en apporte la preuve décisive. Il s’est engagé le 10 mars 1941. Dès le 26 avril, il écrit à sa femme : « C’est une singulière existence que je dois mener… Bien des choses me rappellent étrangement Welzheim  (56) … Cependant, je ne regrette pas d’être venu ici. Les perspectives sont plus vastes à présent, la clarté intérieure plus grande. Je pense souvent au mot bien connu de Nietzsche que je citais fréquemment  (57) … Plus clairement qu’auparavant je distingue maintenant l’essentiel. »
    L’essentiel.
     
    Du 10 mars au 2 juin 1941, il fait ses classes. Ceci à Hambourg, en Hollande et à Oranienburg. Quand il écrit à son père, il loue l’esprit de camaraderie et le sens de l’honneur qui règnent dans son unité.
    En Hollande, il a retrouvé un ami d’avant guerre, lui-même néerlandais, un ingénieur. Il lui confie :
    — Nous devons perdre cette guerre. Mieux vaut cent fois Versailles que le maintien de cette bande de criminels. Que sert à un peuple de gagner le monde entier si son âme est en péril ?
    Pour l’extérieur, Gerstein est un excellent SS. Rapport du 5 mai 1941 : « Gerstein convient particulièrement bien à toutes les tâches auxquelles on le forme… Il est discipliné et autoritaire. » On l’affecte au service d’hygiène de la Waffen-SS. Il y est chargé de l’installation d’eau potable ainsi que de « la désinfection des camps militaires et de concentration  ».
    Son destin s’esquisse.
    En novembre 1941, il reçoit l’autorisation de se rendre à l’enterrement de son frère Alfred. Lors de la cérémonie, il rencontre un juge du tribunal du parti. Stupéfait de voir porter l’uniforme SS à un ex-inculpé pour antinazisme, le magistrat avise aussitôt le haut commandement et exige la mutation du nommé Gerstein. La dénonciation restera lettre morte. Kurt Gerstein est trop compétent

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