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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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pour que l’on se passe de ses services.
    Il aménage maintenant des camions de désinfection. À Elfriede, il écrit : « Je me trouve ici à un endroit où je puis véritablement être extrêmement utile et empêcher beaucoup de choses. » C’est au cours de cette année-là que ses amis le voient se modifier du tout au tout. Le garçon si franc, ouvert, amateur de plaisanteries, est devenu sombre et taciturne. C’est à peine si ses proches le reconnaissent. Son ami Helmut Franz, blessé en janvier 1942, le voit entrer dans la chambre d’hôpital où il est soigné : « À mon grand étonnement, il apparut un jour devant mon lit, comme un fantôme, en uniforme SS. J’étais tout ému de le voir d’une humeur si macabre et si pessimiste. À cette époque pourtant, il n’avait pas encore visité les camps d’extermination de Pologne. Mais ce qu’il avait vu et entendu chez les SS avait déjà suffi à faire de lui un homme désespéré et sans dynamisme. Sa crainte permanente d’être découvert avait mis ses nerfs complètement à bout. Le satanisme des nazis lui paraissait tel que leur victoire finale ne lui semblait pas impossible. Son pessimisme général et son effondrement intérieur n’en étaient que plus grands. Comparé à ce paquet de nerfs qui n’était que haine, peur et désespoir, je me faisais moi-même l’effet d’un homme supérieur et calme. »
    Au mois de juin 1942, le même Kurt Gerstein va rencontrer l’Histoire.
     
    Depuis 1940, les Juifs, polonais d’abord, puis allemands et tchèques, ont été concentrés dans des ghettos en Pologne annexée : Lodz, Cracovie, Lublin, Lvov, Varsovie. Aucune décision officielle n’a été prise encore quant au sort qui les attend. Dès l’ouverture de la campagne de Russie, Hermann Goering ordonne à Heydrich, le 31 juillet 1941, « de procéder à tous les préparatifs nécessaires pour organiser la solution complète de la question juive dans la sphère d’influence allemande en Europe ». Il le charge en outre de lui « adresser, sous peu, un plan d’ensemble concernant les mesures d’organisation et le matériel nécessaire pour réaliser la solution du problème juif ».
    Comme on voit, les mots employés – il faut les scruter à la loupe – sont solution complète . Déjà, c’est beaucoup. Bientôt c’est un adjectif plus radical que l’on utilisera.
    Sur le territoire de la Russie occupée, on n’a pas attendu les instructions de Goering pour procéder au massacre de Juifs. Pour ce faire, on a même utilisé des unités spéciales : les Einsatzkommando . Aux alentours des villes ou des villages, on oblige les Juifs à creuser eux-mêmes des fosses au bord desquelles on les rassemble. Tantôt on les exécute individuellement, d’une balle dans la nuque, tantôt on les mitraille en groupe. On ne prend pas la peine d’achever les blessés. Ils tombent avec les morts dans la fosse où, quelque temps plus tard, les rejoindront une nouvelle vague de Juifs exécutés. Quand la fosse est pleine, d’autres Juifs reçoivent l’ordre de la combler  (58) .
    L’élan – si l’on ose écrire – est donné. Il reste à le doter de contours plus précis, en quelque sorte l’officialiser.
    Longtemps on a pensé que la décision d’une solution finale, tendant à l’anéantissement de tous les Juifs d’Europe, avait été prise, le 20 janvier 1942, lors de la conférence réunie, à Wannsee, près de Berlin, par Reinhard Heydrich, chef de l’Office central de la sécurité du Reich (RSHA). La découverte, dans les archives de l’ex-Union soviétique, par Christian Gerlach, jeune historien allemand, d’un texte inédit permet aujourd’hui de croire que Wannsee ne doit plus être considéré comme le point de départ de l’effroyable processus ayant conduit des millions de Juifs à la mort, mais comme la formalisation d’un ordre donné antérieurement par Hitler lui-même  (59) .
    Deux dates : 12 et 18 décembre 1941. Le 12, Adolf Hitler réunit autour de lui les plus importants dirigeants du parti national-socialiste. Joseph Goebbels en fait naturellement partie et son journal quotidien permet de connaître très exactement ce qui s’est dit et a été décidé ce jour-là. À la date du 13 décembre, Goebbels écrit :
    « En ce qui concerne la question juive, le Führer est bien décidé à faire place nette. Il a prophétisé que si, une fois de plus, les Juifs parvenaient à déclencher une guerre

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