C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue
mondiale, ce seraient eux qui seraient anéantis (60) . Ce n’étaient pas des paroles en l’air. La guerre mondiale est bien là (61) , il faut que l’anéantissement des Juifs en soit la conséquence nécessaire. Cette question doit être traitée sans faire de sentiment aucun. Notre compassion ne va pas vers les Juifs mais pour notre peuple allemand. Si le peuple allemand doit encore sacrifier sur le front de l’Est 160 000 victimes, alors les instigateurs de ce conflit sanglant doivent le payer de leur vie. »
Tout indique – y compris le style de phrases comme « notre compassion ne va pas vers les Juifs…» – que ce texte traduit la propre pensée d’Hitler. C’est d’une décision dont Goebbels se fait l’écho. La preuve : cinq jours plus tard, une nouvelle entrevue réunit Hitler et le Reichsführer SS Heinrich Himmler. Ce dernier tient un agenda et, par chance, Christian Gerlach l’a retrouvé à Moscou. Les propos de Hitler sont, quoique sous une forme extrêmement laconique, confirmés : « Question juive. Les exterminer comme des partisans . »
Difficile de ne pas traduire ainsi : il faudra que les Juifs soient traités conformément aux ordres qui prescrivent de mettre à mort les partisans, sans exception aucune. Par voie de conséquence, aucun Juif ne devra désormais rester en vie.
Après la conférence de Wannsee, les Juifs allemands, dont un grand nombre ont été épargnés, seront inclus dans la Solution finale de même que l’ensemble des Juifs de l’ouest, du centre et de l’est de l’Europe. Tous les Juifs du continent.
Le 24 février 1942, Hitler imprimera son sceau définitif à l’entreprise : « Ma prophétie trouvera son accomplissement. Ce n’est pas l’humanité aryenne qui sera anéantie par cette guerre, mais le Juif qui sera exterminé. Quoi que puisse apporter ce combat, quelle que soit sa durée, ce sera là son résultat final (62) . »
À la longue, les SS eux-mêmes se sont montrés écœurés par la besogne qu’ils ont dû accomplir au cours des premiers mois de l’offensive allemande en Russie. On a redouté des actes d’indiscipline. C’est de ce constat que vont naître des camps où l’extermination s’exercera selon des formes plus « scientifiques ». À l’est de l’ancienne Pologne, quatre sont installés dans la région de Lublin : ceux de Belzec, Sobibor, Treblinka et Maidanek. Kurt Gerstein connaît l’existence de ces camps. Il a longtemps cherché à savoir ce qui s’y passait mais la vigilance des responsables rend le secret à peu près impossible à percer.
En janvier 1942, il a été l’objet d’une promotion dont il faut se garder de minimiser l’importance : il est devenu, pour l’ensemble de la Waffen-SS, chef des services techniques de désinfection et responsable des gaz toxiques.
Au début d’août 1942, l’un de ses supérieurs, le SS Sturmbahnführer Gunther, lui commande de se procurer 100 kilos d’acide prussique et de les transporter de Berlin à l’usine de Kollin, près de Prague. Gerstein dira plus tard qu’il a parfaitement compris ce que cela signifiait. Sûr qu’il allait enfin savoir, il n’en a pas moins accepté.
17 août 1942. À Kollin, des employés chargent l’acide prussique dans un camion. Un membre de la SS, l’Obersturmbahnführer Pfannenstiel, professeur d’hygiène à l’université de Marburg/Lahn, avertit Gerstein qu’ils convoieront ensemble le camion jusqu’à Lublin. Là, on prendra les ordres du SS Gruppenführer Globocnik. C’est de ce dernier que les deux hommes apprennent qu’ils devront visiter les trois camps de Belzcc, Sobibor et Treblinka. Le quatrième, Maidanek, n’est pas encore en état de fonctionner.
La conversation dont le lecteur va maintenant prendre connaissance a été relatée par Kurt Gerstein dans les confessions – le terme convient mieux que rapports – qu’il a rédigées, en 1945, pour les autorités militaires françaises. Le fait qu’elles aient été écrites directement en français par un Allemand en fera comprendre le style quelque peu abrupt (63) .
Le Gruppenführer martèle ses mots :
— Cette affaire est plus secrète que n’importe quelle autre… Hier encore deux bavards ont été fusillés.
Gerstein et Pfannenstiel voudraient savoir ce qu’on attend d’eux. La réponse de Globocnik est sans ambiguïté :
— Il vous faudra désinfecter de très grandes quantités de vêtements, dix ou
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