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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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bien.
    Mussolini se contente de secouer la tête.
    Les deux hommes gagnent le salon. Le roi constate :
    — Il fait vraiment chaud.
    Mussolini, qui pense visiblement à autre chose, confirme :
    — Oui, très chaud.
    Les voilà seul à seul. Mussolini commente ce qui s’est passé au Grand Conseil. Pour lui, le vote reste sans importance, il ne comporte pas d’effet légal. Le petit roi l’interrompt. Il ne partage pas, mais pas du tout, une telle opinion :
    — Le Grand Conseil est un organe de l’État, créé par vous-même et dont la composition a été approuvée par les deux Chambres du Parlement. Il en résulte que la moindre décision du Grand Conseil revêt la plus haute importance.
    Mussolini l’écoute : très calme mais très attentif, soudain. Victor-Emmanuel poursuit :
    — Mon cher Duce, ça ne va plus. La situation est très grave. L’Italie est en ruine et l’armée complètement démoralisée. Les soldats n’ont aucune envie de continuer à se battre. Les chasseurs alpins chantent maintenant qu’ils ne veulent plus combattre pour Mussolini.
    D’ailleurs il se met à chanter lui-même, en dialecte piémontais, le refrain de cette chanson. Le dernier vers semble particulièrement le réjouir : « À Mussolini qui fit massacrer les alpini. »
    Comme Mussolini paraît loin de tout cela ! Le roi reprend :
    — Le vote du Grand Conseil est terrible. Dix-neuf voix pour la motion Grandi !… Vous ne pouvez certainement plus vous faire d’illusions quant aux sentiments de l’Italie à votre égard. En ce moment, vous êtes l’homme le plus détesté du pays. Je suis le seul ami qui vous reste. C’est pourquoi je tiens à vous affirmer que vous n’avez rien à craindre pour voire sécurité personnelle. Je veillerai à votre protection.
    Comme s’il se décidait à franchir le Rubicon, le roi annonce tout à trac au Duce qu’il a désigné son successeur : le maréchal Badoglio. Mussolini devient livide. Comme pris soudain d’un vertige, il doit s’asseoir. Le roi enfonce le clou : on ne peut douter que Badoglio jouisse de la confiance de l’armée et de la police. Le mot police trappe Mussolini.
    — Alors, tout est fini, lâche-t-il.
    Le roi affirmera que le Duce a prononcé trois fois les mots « tout est fini » avant de se lever :
    — Si Votre Majesté a raison, je dois lui remettre ma démission.
    — Oui. Et je ne mettrai aucune condition à l’accepter.
    Mussolini souligne que la décision est lourde de conséquences : le peuple croira que la guerre est terminée, le choc sera désastreux, son départ sera considéré comme un triomphe par Churchill, Roosevelt et surtout Staline. Une ultime plaidoirie ? La vérité est qu’il a renoncé. D’une voix morne, il ajoute :
    — Je souhaite bonne chance à celui qui prendra le gouvernement dans ces circonstances.
    L’audience est achevée. Victor-Emmanuel tient à accompagner son hôte jusqu’à la porte. Mussolini se souviendra que le visage du roi lui a paru soudain très jaune en même temps qu’il lui semblait voir le souverain plus petit encore que d’ordinaire. Le premier, il tend la main au roi. Victor-Emmanuel la prend dans les siennes et la serre longuement. Encore quelques mots sur la chaleur qui, de fait, est devenue accablante. Rien de plus.
    Le roi est rentré dans le palais, Mussolini s’est coiffé de son chapeau noir. En marchant pour regagner sa voiture, ses pas écrasent le gravier de l’allée. Dans le silence, le bruit retentit bizarrement. Un capitaine de carabiniers s’avance au-devant de lui et salue :
    — Duce, nous avons entendu dire que vous êtes en danger. J’ai l’ordre de vous protéger.
    — Inutile, dit Mussolini. J’ai ma propre escorte.
    L’autre insiste :
    — J’ai l’ordre d’assurer votre sécurité.
    Cette fois, Mussolini paraît frappé :
    — Très bien, dit-il. Dans ce cas, prenez place dans ma voiture.
    — Non, Duce, répond le capitaine. Il faut que vous veniez avec moi.
    — Mais c’est ridicule… On n’a jamais vu ça.
    — J’exécute un ordre, Duce.
    De la main, il montre une ambulance qui attend. En tournant la tête, le Duce aperçoit les carabiniers épars dans le jardin. Inquiet, le capitaine l’observe. Va-t-il se mettre en colère ? Appeler à l’aide ? Faudra-t-il se saisir de lui par la force ? Questions oiseuses : Mussolini se dirige vers l’ambulance. Par les portes arrière ouvertes, il découvre à

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