C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue
l’intérieur un officier, trois carabiniers et deux policiers en civil armés de mitraillettes. Il monte, s’assied. Il expliquera plus tard qu’il a réellement cru que l’on cherchait à le protéger de la colère populaire. De Cesare, son collaborateur, le rejoint.
Les portières claquent. L’ambulance démarre.
On roule depuis une demi-heure dans les rues de la capitale et, dans l’ambulance, personne n’a prononcé une parole.
À 18 heures, on fait halte dans la cour de la caserne Podgora. Trois quarts d’heure plus tard, on en repart pour gagner, à très grande vitesse, la caserne des élèves officiers carabiniers.
Jusque-là, Mussolini ne semble s’être posé aucune question. Quand, dans la cour, il découvre un si grand nombre de carabiniers en armes, le doute s’infiltre en lui. Quel sens doit-il donner à tout cela ? On le sépare de De Cesare pour le laisser seul dans le bureau du commandant. Quand il souhaite se rendre aux toilettes, plusieurs hommes l’accompagnent et ne quittent pas la porte de l’œil. Il refuse la nourriture qui lui est proposée. Il paraît si épuisé que le commandant de la caserne appelle un médecin. Celui-ci se borne à constater que Mussolini est « très pâle, d’une pâleur presque cadavéreuse, avec un pouls très lent ».
La nuit venue, on apporte un lit de camp sur lequel Mussolini s’allonge. Ce qui l’empêche de trouver le sommeil, c’est la lumière qui envahit la pièce par la porte grande ouverte, ce sont les hommes qui viennent le regarder comme une bête curieuse, c’est le téléphone qui sonne sans arrêt.
Dans Rome, la rumeur de la chute de Mussolini s’est peu à peu répandue. On a vu se précipiter dehors les gens assoiffés de nouvelles. Quand, à 22 h 45, le speaker de la radio annonce que le roi a accepté la démission de Mussolini et que Badoglio lui succède, on assiste littéralement à une explosion de bonheur. Sur toutes les places, dans toutes les rues, les foules s’enflent démesurément. On crie, on chante, on s’embrasse. À l’intention de Mussolini, on vocifère les pires injures. On acclame le roi, on arrache les emblèmes du régime déchu.
À 1 heure du matin, le général Ferone apporte un message de Badoglio à Mussolini qui le lit attentivement. Badoglio affirme que les mesures prises à l’égard de « Son Excellence le Cavaliere Benito Mussolini » n’ont été décidées que pour sa sécurité. Il souhaite que Mussolini fixe lui-même le lieu de sa résidence. Mussolini dicte aussitôt une lettre à Ferone : il choisit de résider à la villa Rocca delle Caminate , depuis longtemps sa demeure privée de prédilection. Il assure à son successeur qu’il n’aura à redouter de sa part aucune difficulté et se déclare heureux de la décision de Badoglio de continuer la guerre. Sur la feuille écrite par Ferone, il trace, au crayon bleu, ces mots : « Vive l’Italie ! Mussolini. » Il retourne à son lit de camp et, cette fois, s’endort.
Il passera la seconde journée dans cette même pièce, très souvent allongé. Le soir, il se contentera de demander de la pâte dentifrice et des chaussons. Rien de nouveau le troisième jour.
Au soir du quatrième jour, plusieurs camions pénètrent dans la cour. Un peloton de carabiniers et un autre de policiers romains se rangent autour d’eux. Un officier annonce à Mussolini qu’il faut partir. Les deux hommes gagnent la cour. On invite le Duce à monter à l’arrière d’une voiture qui attend. Près de lui, un homme prend place qui se nomme :
— Général Polito, chef de la police militaire.
La voiture roule aussi rapidement que le permet la circulation. Les rideaux sont tirés mais, par les interstices, Mussolini s’aperçoit qu’on ne se dirige nullement vers la villa Rocca delle Caminate . Il se tourne vers Polito :
— Où allons-nous ?
— Vers le sud.
À Gaète, la voiture s’engage le long de quais obscurs. À 2 heures du matin, elle s’arrête à la hauteur de la corvette Persefone qui, amarrée au long du môle, se profile dans l’ombre. Un officier de marine s’approche et se présente : Amiral Maugeri. Accompagnant à bord Mussolini, il le conduit dans la cabine du capitaine. Outre l’amiral Maugeri et le général Polito, six carabiniers armés de mitraillettes ont suivi le dictateur sur la corvette.
On lève l’ancre. Après une courte escale dans un port, on gagne à midi l’île Ponza.
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