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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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de cette captivité : un gros colis apporté un jour dans sa chambre. Il contient les œuvres de Nietzsche en vingt-quatre volumes. L’expéditeur ? Adolf Hitler !
    Au soir du 26 août, Mussolini est assis sur la terrasse de la villa Weber quand, soudain, un avion allemand survole la propriété, si bas que l’on peut apercevoir le visage du pilote. Les Allemands sont donc à sa recherche ! Ils ont découvert sa retraite !
    Le résultat d’une telle alerte ne se fait pas attendre : le 27 août, un officier de carabiniers vient annoncer au prisonnier qu’il doit quitter l’île. Le lendemain, tôt le matin, il est conduit au port où l’attend un hydravion de la Croix-Rouge qui décolle sans tarder. Une heure et demie plus tard, ayant rejoint la péninsule italienne, l’hydravion se pose sur le lac Bracciano. Une ambulance – encore ! On roule dans la direction de Rome mais on évite délibérément la ville. Après avoir traversé le Tibre, on se dirige vers la voie Sabina. L’air devient vif, signe que l’on a pénétré dans les Abruzzes. On se rapproche du Gran Sasso d’Italia.
    Cette région, Mussolini la connaît bien. Il en aime les gens autant que les paysages. Plusieurs fois il y est venu skier. On traverse la ville d’Aquila. La route s’élève au flanc de la montagne. Un coup de frein, les portières ouvertes. Quelque peu ankylosé, Mussolini met pied à terre. Il reconnaît la station du téléphérique qui permet d’accéder à l’hôtel Campo Imperatore .
    En 1974, quand je suis venu repérer les lieux pour mon émission de télévision, rien n’avait changé. Le dallage de la station portait toujours les emblèmes de l’État fasciste. Par contre, on avait substitué de nouvelles bennes, plus vastes et plus modernes, aux anciennes. Celle qui avait servi à Mussolini, déposée au pied, de l’aire de départ, gisait sur un terrain vague où poussaient de rares touffes d’herbe.
    De part et d’autre de cette gare d’embarquement, des maisons s’étalent autour d’une sorte de rond-point. Cela porte un nom : la Viletta. Un petit hôtel s’y trouve. On y a conduit l’ancien dictateur.
    De la fenêtre de sa chambre, étroite et sans confort, il a pu contempler la vallée et un admirable panorama. Les gens du pays m’ont raconté que, chaque matin, on le voyait, sans souci des regards ni des commentaires, se raser devant une glace accrochée à la fenêtre. Parfois, sortant de cet hôtel, il hasardait quelques pas. Il allait s’asseoir sur un rocher, toujours le même. De là, il dominait la vallée.
    Le 6 septembre, il apprend qu’il va rejoindre le Campo Imperatore . Il pénètre dans la station et considère la cabine du téléphérique d’un air dubitatif.
    — Cet engin est-il sûr ? demande-t-il avec une certaine nervosité.
    On lui répond avec emphase que le téléphérique a été construit « durant les vingt années du fascisme ». Une garantie, évidemment. Une question encore :
    — À quelle altitude se trouve l’hôtel ?
    — À 2 112 mètres de haut.
    — Ah ! la plus haute prison du monde.
     
    Au printemps de 1974, le téléphérique ne fonctionnait pas. On était, comme on dit, « hors saison ». J’ai donc emprunté une route qui n’existait pas au temps de Mussolini et qui contourne la montagne pour rejoindre le sommet. Tout à coup, je me suis trouvé devant l’hôtel. Impossible, face à une telle architecture, de ne pas demeurer saisi. Imaginez, en forme de forteresse, un long bâtiment de quatre étages, comportant en son milieu une avancée en forme de demi-lune  (105) . Au premier étage, les vastes fenêtres de la salle à manger et des salons. Aux étages supérieurs, des ouvertures d’autant plus exiguës qu’il faut lutter contre le froid. Il est vif, au Campo Imperatore , même à la belle saison. Au mois de mai, une bise glaciale nous transperçait littéralement. Après la vallée tiède, quittée une heure auparavant, cela ressemblait à une agression. C’est seulement alors que j’ai compris pourquoi Mussolini, en septembre 1943, portait au Campo Imperatore un gros pardessus noir et se coiffait d’un feutre de même couleur.
    Rien de moins séduisant que le site qui entoure l’hôtel : pentes caillouteuses et arides, absence presque totale de végétation. Dans cette nature ingrate, les sommets eux-mêmes paraissent hostiles.
    Au rez-de-chaussée, les grandes pièces aux murs presque entièrement démunis de

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