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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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heures. Ce vieux républicain, rempli de préjugés à l’égard de De Gaulle, se contient difficilement. À peine entré, il lance :
    — Vous savez, je ne vous appelle pas mon général, je vous appelle monsieur le président.
    Voilà qui commence mal ! Monnerville le rejoint, moins excité, plus diplomate. Le Trocquer agite son unique bras. Il répète comme un leitmotiv :
    — C’est impossible !
    On dirait le dialogue de deux sourds :
    — D’abord, dit Le Trocquer, il faut que vous consultiez !
    — Je ne consulterai pas !
    — Il faut que vous rendiez les visites traditionnelles aux présidents de la Chambre et du Conseil !
    — Je n’irai pas à la Chambre.
    Monnerville met de l’huile dans les rouages, apaise peu à peu cet antagonisme. Enfin, de Gaulle laisse entendre que peut-être il ira à l’Assemblée. Les deux présidents ressentent l’impression que, malgré tout, cela n’est pas certain. Le Général prend congé. En partant, il a dit :
    — Si nous ne tombons pas d’accord, eh bien, je rentrerai définitivement dans mon village avec mon chagrin.
    Celui qui va dénouer une situation en apparence inextricable, c’est René Coty. Certes, le président de la IV e République ne détient même pas l’ombre d’un pouvoir. Bousculant la Constitution et manquant à tous les usages, il adresse un message au Parlement. À 15 heures, de plus en plus furieux – on le sent dans sa voix –, Le Trocquer est obligé de le lire debout, devant tous les députés. Coty commence ainsi : « J’ai fait appel au plus illustre des Français…»
    Les choses iront très vite.
     
    À 19 h 30, de Gaulle arrive à l’Élysée. Une foule énorme ainsi que des centaines de journalistes l’attendent devant l’entrée de la rue du faubourg Saint-Honoré. Le président Coty déjoue tout cela en faisant entrer son hôte par la grille du Coq. Deux heures plus tard, tout est au point. De Gaulle a accepté d’aller lire sa déclaration devant les députés.
    Il le fera le 1 er juin et obtiendra sa majorité. Deux jours plus tard, il retournera à l’Assemblée pour se faire décerner par les députés – de qui il saura jouer mieux qu’un parlementaire chevronné – la mission qu’il veut détenir : donner une nouvelle Constitution à la France.
    Tout est accompli. Fatigué, mais heureux, il regagne, dans sa 15 CV Citroën, l’hôtel La Pérouse. Cette fois, c’est la dernière étape.
    Le mot de la fin, c’est à Delbecque, accouru pour se noyer à son tour dans la lumière de ce triomphe auquel il a pris une si grande part, que de Gaulle va l’adresser :
    « Le 2 juin, le général de Gaulle me reçoit à l’hôtel La Pérouse. Il doit se faire investir deux heures plus tard par le Sénat. Le soir, il couchera à Matignon. Dans l’antichambre, Pompidou et Lefranc font les valises. L’accueil du général est très chaleureux. Il me donne l’accolade et me dit :
    « — Delbecque, vous avez bien joué. Il n’y a pas eu de casse et c’était le principal pour moi.
    « Un silence très court. Et :
    « — Mais avouez que j’ai bien joué, moi aussi. »

VII

Enlevez Adolf Eichmann
    11 mai 1960
    Dans la salle du tribunal de Jérusalem, cinq cents journalistes venus du monde entier subissent la fascination de cette cage de verre étrangement érigée auprès de l’estrade où les juges vont prendre place. Elle demeure encore vide mais chacun sait que ce cube translucide est à l’épreuve des balles. Tout à coup, l’accusé entre. Il s’assied. Sans hâte, il fixe les écouteurs à ses oreilles.
    Quoi ! C’est donc là Adolf Eichmann l’Exterminateur ! Cinq cents hommes et femmes considèrent avec stupeur ce personnage falot, image du fonctionnaire discret, semblant créé et mis au monde pour passer inaperçu. Ils le découvrent maigre, frêle, à demi chauve, portant des lunettes. Un témoin l’écrira : il avait l’air d’« un comptable effrayé à l’idée de demander une augmentation ». D’évidence, il cherche à se donner une contenance. Il s’applique à ne pas rencontrer le regard des journalistes. Il tapote ses écouteurs.
    Ce que chacun sait dans cette salle, c’est que le costume bleu sombre – fort strict – qu’il porte a été coupé par un tailleur juif. Comme sont juifs les magistrats qui vont le juger, juifs les gardes qui surveillent les issues de la salle, les policiers qui veillent aux grilles de la Maison du peuple, les

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