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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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et je vois qu’il a le plus grand mal à se maîtriser. Oh ! certes, il ne perd pas son sang-froid, mais il devient blanc, il me dit : “C’est trop bête”, et il ajoute : “Eh bien, dans quinze jours, le colonel X… – je me rappelle le nom mais je préfère ne pas le citer – sera ministre de l’Intérieur à Paris.”
    « Et, à ce moment, se produit un événement extraordinaire. Heureusement, tous les témoins sont encore vivants et pourraient confirmer mon propos s’il en était besoin  (89) . Une fillette, Edwige Frèrejean, qui est aujourd’hui la femme de mon ancien collaborateur, M. de Nanteuil, représentant de la France auprès des Nations unies à New York – elle avait une douzaine d’années – dit d’une voix tranquille : “Papa, on demande M. Guichard au téléphone ; c’est de la part de M. Guy Mollet.” Guichard me regarde, il n’a rien à me dire, nous nous sommes parfaitement compris : Pierre Pflimlin, par loyauté envers ses ministres socialistes, refuse un contact avec de Gaulle, et ce contact direct, par-dessus la tête de Pflimlin, est pris par les ministres socialistes !
    « Je me précipite à l’hôtel Matignon, je rapporte la conclusion de mon entretien. Le soir, a eu lieu l’entrevue entre le général de Gaulle et Pierre Pflimlin qui a permis à ce qui apparaissait comme un rêve de devenir une réalité : à savoir la constitution d’un gouvernement de Gaulle et l’établissement de la V e République. »
    Pour rencontrer le Général, Pflimlin demande seulement que lui soit adressée une note écrite. Le général la rédige. L’entrevue a lieu le soir même, 26 mai, à 23 heures, à l’adresse annoncée par de Gaulle, chez le conservateur du domaine de Saint-Cloud. Elle va durer deux heures. Entre-temps, les hommes d’Alger se sont emparés de la Corse. Pflimlin voudrait que le Général condamne l’entreprise. De Gaulle ne consent qu’à un communiqué d’ordre général. Il souhaite qu’on lui confirme l’accord des chefs de parti à son retour. Pflimlin déclare qu’il ne peut s’engager que pour lui-même. On se sépare sans avoir rien conclu. De Gaulle repart pour Colombey où il arrive le 27, vers 5 heures du matin.
     
    Est-on dans un cul-de-sac ? Il le semble bien. Au matin du mardi 27, la crise atteint son paroxysme. À 10 heures, Jules Moch remet au président du Conseil un rapport circonstancié indiquant que le débarquement en France des paras et des hommes d’Alger aura lieu dans la nuit du lendemain.
    À 10 h 15, de Gaulle dicte un communiqué à son bureau de Paris : J’ai entamé le processus régulier nécessaire à l’établissement d’un gouvernement républicain .
    Le processus régulier ! Là aussi nous nous souvenons. Peut-être, dans le vocabulaire gaullien, cette phrase-là – entre tant d’autres – demeure-t-elle la plus présente à nos mémoires. De Gaulle déclare désapprouver toute action qui mettrait en cause l’ordre public. Il exprime sa confiance aux généraux Salan et Jouhaud, ainsi qu’à l’amiral Auboyneau qui, tous, commandent en Algérie. Il indique qu’il prendra contact avec eux incessamment.
    Quand Pflimlin lit ce texte étonnant – qui ne reflète nullement le ton ni les termes de l’entretien de la nuit précédente – il ne peut contenir sa colère. Il voit là une manœuvre qu’il juge indigne de son interlocuteur. Jules Moch lui donne tort : à n’en pas douter, le Général, en publiant son communiqué, a voulu rendre impossibles les événements qui se préparent.
    Impavide, de Gaulle continue à avancer ses pions. Il tient essentiellement à bien saisir la situation dans tous ses aspects. Télégraphiant à Salan, il lui demande de lui envoyer un mandataire militaire et lui adresse l’expression de sa « cordiale confiance ». Il s’agit bien d’un processus.
    La IV e République meurt comme un château de cartes qui s’abat. Pflimlin n’a plus qu’à démissionner. Ce qu’il fait le 28. La situation est si confuse – et la présence en coulisse de De Gaulle si colossale – que lors d’un incident grave surgi tout à coup dans le Sud tunisien, avant de prendre les mesures d’ordre militaire qui s’imposaient et d’en aviser les ambassades d’Angleterre et des États-Unis, René Pleven va charger l’ambassadeur Guy de Charbonnières de sonder à cet égard le général de Gaulle. Guy de Charbonnières m’écrit : « Je téléphonai à

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