C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy
Geoffroy de Courcel qui pouvait lui-même joindre immédiatement le Général. Un peu plus tard, Courcel me faisait connaître l’accord de ce dernier (90) . »
Qui rencontrera de Gaulle ? Le président de la République, René Coty, aurait souhaité que ce fut Vincent Auriol, son prédécesseur à l’Élysée. Auriol se dérobe. Finalement, ce seront André Le Trocquer, président de l’Assemblée nationale, et Gaston Monnerville, président du Conseil de la République, qui se rendront auprès du Général. L’entrevue se déroulera, comme avec Pierre Pflimlin, à la résidence de M. Bruneau.
Félix Bruneau m’a dépeint le climat singulier de l’entretien. Pourquoi d’ailleurs ce choix de Saint-Cloud ?
— Le Général avait demandé de pouvoir venir à Saint-Cloud, pendant sa traversée du désert, un certain nombre de fois. Il venait simplement marcher dans le petit parc. Nous devisions tranquillement et il se délassait pendant une heure. Là, il s’occupait de choses familières, de mes chats, du jardin, tout cela très gentiment et très familièrement. Et puis il m’a demandé également de recevoir à Saint-Cloud un certain nombre de personnalités comme le comte de Paris, le prince Moulay Hassan, et ces personnages sont venus très simplement nous retrouver en tout petit comité. Le Général n’aimait pas les grands rassemblements lorsqu’il s’agissait de recevoir des personnalités qu’il ne voulait pas, pour des questions évidentes que nous avons comprises par la suite, recevoir chez lui ni aller voir chez eux. Par conséquent, il recevait dans un lieu neutre. De plus, le Général était très attentif à tout ce qui était représentation de l’État. Même avant de revenir au pouvoir, il considérait que la conservation du domaine de Saint-Cloud était un bâtiment public. La France recevait dans un bâtiment français. Donc il était tout naturel pour lui de choisir l’un des refuges officiels.
M. Bruneau évoque également le domaine tel qu’il était en ce temps-là, c’est-à-dire d’apparence fort peu alléchante :
— Les alentours étaient tristes au possible, rien n’était éclairé, le portail d’entrée était encore en bois. C’était un aspect assez désolant et je comprends que mes visiteurs n’aient pas toujours été très contents de venir dans un lieu aussi sinistre que celui-là.
Donc, ce soir-là, le général attend. M. Bruneau n’a rien oublié :
— Le Général trouvait que c’était long. Une soirée à attendre quand on ne sait pas si les visiteurs annoncés viendront ou ne viendront pas. Le deuxième jour, il a trouvé que c’était insupportable d’attendre sans savoir et il nous a appelés. Il a dit : « Voulez-vous faire savoir à M. le président Coty que j’attends encore dix minutes la réponse de M. Le Trocquer et de M. Monnerville. Et si, au bout de dix minutes, il n’y a pas de réponse, je repars pour Colombey-les-Deux-Églises, mais dites bien au président que, cette fois-ci, je ne reviendrai plus. » Ce que nous avons fait. Nous avons transmis le message tout de suite au président Coty que nous avons eu lui-même au téléphone et qui nous a fait répéter la dernière phrase en disant : « C’est important. » Et alors, au bout de neuf minutes exactement, nous avons reçu la réponse du président Coty : M. Monnerville et M. Le Trocquer acceptaient de venir à Saint-Cloud.
Ils vont y venir avec des chauffeurs fort imprévus. M. Bruneau explique :
— Je dois dire que c’étaient nos amis Guichard et Foccart qui étaient les chauffeurs, parce que nous n’avions pas voulu des voitures officielles des présidents des deux Chambres, pour qu’il n’y ait pas de poursuite. Comme les deux présidents ne savaient pas où ils allaient, il valait mieux que ce soient des chauffeurs que nous désignions nous-mêmes. Foccart et Guichard étaient allés quérir les présidents de la Chambre et du Sénat et ce sont eux qui les ont amenés dans le domaine. Le Trocquer et Monnerville étaient seuls chacun dans une voiture et ils n’étaient pas très tranquilles de dépasser la Seine et d’arriver dans ce domaine de Saint-Cloud absolument sans éclairage, etc. J’ai vu arriver ces deux présidents, peut-être heureux de retrouver le Général, mais surtout rassurés parce que, au début, ils se demandaient bien s’ils n’étaient pas tombés dans un traquenard.
Le Trocquer arrive le premier, à 23
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