C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy
commence à planifier ses repas en fonction des anesthésiques qui vont lui être administrés.
Dans l’après-midi, Harel se transporte à l’aéroport. Installé à la cantine, il attend. Au même moment, l’agent Eli maquille Eichmann. Travail à ce point réussi que Vera Liebl n’aurait pas reconnu son mari.
L’avion israélien attend sur son aire de stationnement. Le chef pilote et plusieurs membres de l’équipage sont dans le secret. Pas tous.
20 heures. À Tira , on fait prendre un bain à Eichmann, on le rase, on met la dernière main à son maquillage. Il endosse docilement un uniforme de la compagnie israélienne. Quelques jours plus tôt, il a signé un document dans lequel il affirmait qu’il était « prêt à aller en Israël pour y passer en jugement devant un tribunal compétent ».
Le médecin s’approche pour lui faire une piqûre. Eichmann déclare que ce n’est pas utile, qu’il se tiendra tranquille. Les Israéliens sont convaincus qu’il dit vrai mais il est impossible de courir un tel risque. Quand Eichmann comprend qu’il lui faut quand même subir la piqûre, il se montre, une fois de plus, largement coopératif. La piqûre produit très vite son effet.
Kenet est arrivé à Tira à 21 heures. On sort Eichmann de la maison. Il titube. Il faut l’aider à marcher.
Isser Harel commentera : « Son esprit de coopération pendant ces dernières heures allait si loin qu’il se mit à manifester un vif intérêt pour l’opération et même à s’inquiéter de son succès. Etait-ce sa mentalité d’esclave qui prenait le dessus ? Ou était-ce l’espoir de sauver sa vie en faisant plaisir à ses ravisseurs ? »
On l’installe à l’arrière de la voiture entre le médecin et Ezra Eshet. Les trois hommes sont identiquement revêtus de l’uniforme de la compagnie israélienne. Pendant tout le parcours, Eichmann, presque inconscient, somnole.
Quand on arrive à l’aéroport, il est profondément endormi. Comme l’a prévu le plan, la voiture se rend directement au parking où Isser Harel rejoint ses agents. Une partie de l’équipage de l’avion attend également sur le parking. Comme prévu, le groupe s’engouffre dans trois voitures. Eichmann se trouve dans la seconde, encadré par les deux hommes qui feignent eux de dormir : des gens qui ont trop abondamment fêté l’indépendance de l’Argentine ! L’équipage suit en minibus. Il faut franchir le poste de contrôle. L’un des hommes de la voiture de tête salue joyeusement en indiquant sa nationalité :
— Israël !
La sentinelle lève la barrière. Les trois voitures passent. Le préposé ne remarque même pas qu’à l’arrière de la seconde, il y a trois hommes qui dorment.
Après un long détour – délibéré –, la seconde voiture vient se ranger au pied de la passerelle de l’avion israélien. Les trois hommes s’extirpent de l’arrière. Eichmann passe au milieu, soutenu par les deux autres. On va le conduire directement en première classe, l’installer au premier rang.
Tout s’est déroulé comme prévu, à la minute près. Déjà, les moteurs rugissent. L’avion s’ébranle, roule sur la piste. À 23 h 15, il s’arrête sur l’aire où la délégation officielle doit embarquer. À 0 h 5, il décolle. Destination : Israël.
Le 23 mai, à la tribune de la Knesset, le Premier ministre Ben Gourion annoncera l’arrestation d’Eichmann et son arrivée en Israël : « Adolf Eichmann est déjà sous mandat d’arrêt en Israël et il passera sous peu en jugement conformément à la loi (punitive) de 1950 sur les nazis et les collaborateurs nazis. » L’émotion en Israël est immense. Comme partout dans le monde où la nouvelle suscite les gros titres des journaux.
Le gouvernement argentin protestera solennellement contre cette atteinte aux lois internationales. Le Conseil de sécurité sera saisi. Golda Meir plaidera la cause d’Israël tout en présentant ses excuses au gouvernement argentin. Le Conseil de sécurité estimera que ces excuses représentent une « réparation » suffisante. D’ailleurs, le gouvernement argentin ne réclamera pas la restitution d’Eichmann.
Adolf Eichmann va se révéler un prisonnier modèle. Aussi obéissant qu’à Buenos Aires, discipliné au-delà de toute expression. Dans sa prison ou au cours de sa promenade quotidienne, dès qu’il aperçoit un officier, il se fige au garde-à-vous. Son appétit reste excellent. À
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