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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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chacune de ses rencontres avec le magistrat instructeur, c’est avec un soin minutieux qu’il étudie les charges qui pèsent sur lui. Sa thèse ne changera pas, il la soutiendra durant tout le procès : il a exécuté des ordres ; il était un soldat, il lui appartenait d’obéir, a-t-on intenté un procès aux aviateurs qui ont largué la bombe atomique sur Hiroshima ?
    Ce qu’il ne comprend pas c’est que lui, Eichmann, est allé au-delà de l’obéissance. Il a innové, inventé, cherché toujours la perfection de l’efficacité. Il a fait en sorte que la Solution finale aille jusqu’à son aboutissement extrême. Il a transmué un ordre abstrait en une réalité en forme d’apocalypse.
    Le voici, le 11 avril 1961, dans sa cage de verre, sous l’œil de caméras qui enregistreront l’intégralité du procès : 350 heures filmées par Léo Hurwitz, grande figure du cinéma documentaire américain  (105) . Jusqu’au 15 décembre, cent quarante-quatre séances ! Une centaine de témoins à charge. À la barre, l’horreur. On voit un écrivain d’origine polonaise, survivant de l’enfer d’Auschwitz, s’évanouir au cours de sa propre déposition et s’abattre sur le sol.
    Ces dépositions, Eichmann les écoute avec attention. Il prend des notes. Quelquefois, il ergote, mais toujours sur des points de détail, jamais sur l’essentiel. Une fois pourtant – une seule – le 95 e jour du procès, il se lève sans être interrogé et, pesant d’évidence les mots, s’exprime ainsi :
    — Je dois admettre que je considère aujourd’hui l’extermination des Juifs comme l’un des pires crimes de l’Histoire. Mais elle a eu lieu et nous devons tout faire pour qu’elle ne se reproduise pas.
    Quand le juge Moshé Landau annonce le verdict – prévisible depuis le premier jour –, Eichmann ne manifeste aucune émotion.
    Il faudra cinq mois pour qu’il soit exécuté. L’avant-veille de sa mort, il reçoit des journalistes français. Ni eux ni lui ne savent qu’il n’a plus que deux jours à vivre. Eichmann redit que, seuls, ses chefs étaient responsables de la Solution finale et qu’il n’a été qu’un agent d’exécution.
    C’était le 29 mai 1962. Le surlendemain, dans sa prison de Ramleh, Eichmann est conduit à la potence. Autour de lui, groupe muet, des magistrats et des journalistes. Il les regarde en face :
    — Messieurs, nous nous reverrons bientôt. J’ai obéi aux lois de la guerre et à mon drapeau.
    La corde de chanvre. La trappe qui s’ouvre. C’en est fait d’Adolf Eichmann. Il est près de minuit.
    De la cheminée du crématoire – comme à Auschwitz – une fumée s’élèvera vers le ciel, annonçant au monde que la dépouille d’Adolf Eichmann, à l’image de ses millions de victimes, a été réduite en cendres.

VIII

Le Mur
    13 août 1961
    Assis sagement sur l’estrade décorée de rouge de la salle de banquet de l’ex-ministère de l’Air, à Berlin, là même où, du temps de Goering, se produisait l’orchestre de la Luftwaffe, Walter Ulbricht répond avec une bienveillance marquée aux questions des journalistes des deux Allemagne.
    Ce jour-là, 15 juin 1961, il y a quarante ans que Walter Ulbricht est communiste. Est-ce pour proclamer son ancienneté dans le Parti qu’il porte la même barbiche que Lénine ? Cet attribut pileux lui a valu, de la part des Berlinois connus pour leur sens de l’humour, un surnom qui lui est fort peu agréable : « Vieille Barbe à pointe ». Avec son ventre rebondi, son gilet, ses besicles, ce révolutionnaire semble paradoxalement incarner les apparences traditionnelles du petit bourgeois allemand. Il n’en a pas moins passé toutes les années du nazisme – y compris celles de la Seconde Guerre mondiale – en exil à Moscou. Il n’en est revenu que pour prendre le pouvoir dans la zone conquise par les Soviétiques, cette Allemagne de l’Est devenue, en octobre 1949, la République démocratique allemande (RDA).
    À la conférence de presse retransmise par la télévision, les journalistes sont venus nombreux – trois cent cinquante – de Berlin-Ouest comme de Berlin-Est, de la RDA aussi bien que de la RFA (République fédérale allemande). On va traiter en effet de l’épineuse question de Berlin. Connaître le point de vue du vieux communiste sur le plus brûlant des problèmes s’inscrit dans une actualité urgente. Dans les zones occidentales de Berlin – américaine, britannique,

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