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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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proposées, que leur acceptation avait constitué un « risque », mais que Cuba n’avait pas hésité à courir ce risque « au nom du renforcement du camp socialiste ».
    En 1962, les Soviétiques ne disposaient que d’un nombre limité de fusées intercontinentales pouvant êtres lancées de l’URSS vers les États-Unis. Les quarante missiles à portée plus réduite installés à Cuba remplaçaient avantageusement les engins manquants. L’avantage stratégique a été souligné avec beaucoup de pertinence par Michel Tatu : « Avec un déploiement relativement faible de moyens, l’URSS faisait un “bond en avant” dans la course aux armements, une course à laquelle Kennedy avait imposé un rythme sans cesse croissant et à laquelle l’économie soviétique s’essoufflait. »
    Quel pari terrifiant ! Khrouchtchev a traversé trois guerres, son fils est mort au cours de l’une d’elles. La seule éventualité d’un conflit mondial lui fait horreur mais, depuis l’invention de l’arme atomique, le monde vit dans l’équilibre de la terreur. Bon gré mal gré, il faut que chacun des partenaires s’y plie.
    Il n’est pas exclu que, moyennant un prix qu’il entendait bien fixer à sa guise, Khrouchtchev ait, dès l’origine de l’opération, envisagé de retirer à point nommé ses fusées de Cuba. Le Soviétique Mikoyan confiera plus tard à Kennedy – Theodore Sorensen en a témoigné – que Moscou avait l’intention d’informer Washington de la présence des fusées à Cuba, mais « après les élections américaines seulement, afin d’empêcher que l’affaire ne vînt interférer dans la campagne électorale ».
    D’où la nécessité absolue d’une clandestinité sur laquelle Khrouchtchev insiste dans ses Souvenirs . Il avait annoncé son intention de se rendre en novembre aux États-Unis. Il fallait placer l’Amérique devant le fait accompli. Sur place, à grand renfort de publicité, il aurait envisagé de lever le secret en proposant une transaction. Quel en aurait été l’enjeu ? Très probablement Berlin dont Khrouchtchev ne cessait de réclamer l’évacuation par les ex-Alliés de 1945 et la proclamation comme ville libre. Ce que refusaient obstinément les Américains, assurés de voir, quelques mois plus tard, la prétendue ville libre absorbée sans coup férir par la République démocratique allemande de Walter Ulbricht.
    Tel était donc le plan de Nikita Khrouchtchev. Il pouvait réussir. Mais il y avait ces étranges avions en forme d’oiseau que l’on appelait U-2 …
     
    La première réunion du Comité exécutif s’est achevée. Kennedy a demandé à ses membres le secret absolu : « Pas un mot à vos femmes, pas une allusion à vos secrétaires. » Evénement remarquable – et presque unique : la consigne a été suivie. Malgré l’extraordinaire pression des médias, rien n’a transpiré. Dean Rusk lui-même confiera : « J’ai écrit plusieurs mémorandums de ma propre main afin d’éviter toute indiscrétion. »
    Deux heures après la fin de la réunion, le représentant des États-Unis à l’ONU, Adlai Stevenson, découvre la situation de la bouche de Kennedy lui-même.
    — Nous sommes obligés d’agir rapidement, lui dit le président. À mon sens, il faudra, ou bien envoyer nos bombardiers pour les détruire [les fusées] ou bien trouver le moyen de les neutraliser.
    Stevenson recommande la prudence :
    — Ne recourons aux bombardiers qu’après avoir exploré toutes les possibilités d’une solution pacifique !
    En mars 1965, Stevenson confiera qu’il a été « consterné de voir que Kennedy avait songé d’emblée à une attaque aérienne ». Il lui a fait remarquer :
    — Tôt ou tard, nous serons forcés de nous en expliquer devant l’ONU ; il faudra alors, à tout prix, que notre dossier soit défendable.
    Il recommande au président de n’annuler aucun des discours électoraux annoncés :
    — Vous donneriez l’éveil.
    — C’est mon avis, dit Kennedy.
     
    Le message a passé : le mercredi 17 octobre, Kennedy s’envole pour le Connecticut où il doit soutenir la candidature de son ami Abraham Ribicoff au siège de sénateur.
    À Washington, le Comité exécutif siège le même jour, au département d’État, dans la salle de conférences du septième étage. Cette pièce peu attirante et sans fenêtres, meublée seulement d’une longue table et de fauteuils de cuir, on l’appellera bientôt le

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