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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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« réduit des cogitations », terme parfaitement idoine. Au vrai, les membres du groupe n’arrêtent pas de réfléchir. Selon leurs occupations, les participants s’absentent, reviennent, repartent. Ces perpétuelles allées et venues causent un désordre qui choque Dean Acheson. Certains se font apporter des sandwiches, du café. En l’absence du président, Robert Kennedy préside. On en est toujours à se demander quelle forme prendra la riposte. Le secrétaire à la Défense McNamara s’affirme l’avocat ardent d’un blocus. Il faut, répète-t-il, établir autour de Cuba une pression limitée, qu’il sera possible de renforcer si cela se révèle nécessaire. « De plus, le caractère dramatique et draconien d’une telle action serait tout de suite compris mais, et c’était capital, nous laisserait le contrôle des événements. »
    On lui rétorque – certains avec passion – qu’un blocus ne fera pas disparaître les missiles « et n’interrompra même pas le travail en cours sur les rampes de lancement ». Après tout, les engins sont déjà à Cuba, et tout ce dont sera capable un blocus, ce sera de « fermer la porte de l’écurie après que le cheval l’aura quittée ». Qui plus est, en arraisonnant les bateaux des Russes, on en viendra fatalement à une confrontation avec eux.
    D’autres, pour préconiser l’attaque militaire, objectent que l’installation d’un blocus autour de Cuba « incitera les Russes à en faire autant autour de Berlin ». Si les États-Unis exigent le retrait des missiles de Cuba pour mettre fin au blocus, l’URSS ne manquera pas de réclamer celui des fusées américaines déployées notamment en Italie et en Turquie.
    On appellera colombes ceux qui privilégient la paix à tout prix et faucons ceux qui, pour préserver la paix, ne craignent pas d’envisager la guerre. Jusqu’au bout faucons et colombes s’affronteront.
    Récit de Robert Kennedy  : « Ainsi allaient les discussions et les désaccords de ce groupe d’hommes intelligents et ardents qui s’affrontaient et se battaient pour l’avenir de leur pays et de l’humanité. Et cependant le temps s’écoulait. »
     
    À son retour, tard dans la nuit, le président Kennedy prend connaissance des « cogitations » de ses conseillers. D’un revers de main, il écarte les solutions qui lui paraissent impraticables, voire fantaisistes. Pour lui, il ne reste que deux moyens d’action : le bombardement ou le blocus.
    Ce qui est sûr, c’est qu’il doit se décider très vite. On dispose de nouvelles photographies prises par les U-2 et les experts sont formels : les missiles soviétiques pourront entrer en action au plus tard dans une semaine. Regagnant sa chambre de la Maison-Blanche, Kennedy en est sûr : quelles que soient les résolutions que lui présentera le Comité, c’est à lui seul qu’il appartiendra de trancher.
     
    Le lendemain matin, appelé par Kennedy, Dean Acheson, semblable à lui-même – haute taille, élégance recherchée, allure combative – se présente à la Maison-Blanche. Il ne mâche pas ses mots. Quand le président lui déclare que son frère Bob repousse l’hypothèse d’un bombardement parce que cela ressemblerait fâcheusement à l’attaque de Pearl Harbor par les Japonais, Acheson se met carrément en colère :
    — Qualifier un bombardement des bases soviétiques de « Pearl Harbor à l’envers » est stupide. C’est une réaction adolescente, indigne d’hommes chargés de gouverner un grand pays !
    Assis dans son fauteuil à bascule dont la forme apaise parfois ses douleurs dorsales, Kennedy l’écoute sans mot dire. Il se balance et dit enfin à mi-voix :
    — J’ai l’impression que, cette semaine, je vais vraiment mériter mon salaire.
    Ce jeudi-là – 18 octobre – le président se rend deux fois à la réunion du Comité exécutif : à 11 heures et à 22 heures. Dans la même journée, les services révèlent que les engins déjà installés à Cuba possèdent, du fait de leurs ogives atomiques, un potentiel équivalant à « environ la moitié de la capacité actuelle des missiles intercontinentaux de l’Union soviétique tout entière ». Une photographie indique que ces engins sont pointés sur certaines villes américaines. On peut en déduire que « quelques minutes après leur mise à feu, 80 millions d’Américains seraient morts ».
    L’état-major interarmes réclame avec force une action militaire

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