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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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je sentis que j’appartenais à une communauté tenue pour inférieure. Pour la première fois, je compris que j’étais un étranger dans mon propre pays. »
    Presque toujours, les vocations à l’indépendance sont nées d’amours-propres blessés, d’humiliations devenues peu à peu insupportables. Depuis 1830, les Algériens musulmans ne sont que des sujets. Longtemps, leur seule revendication s’est inscrite dans le sens d’une reconnaissance comme Français à part entière. C’est en tant que Français qu’ils se sont battus au cours de deux guerres. On leur reconnaissait le droit de verser leur sang, pas celui de déposer dans l’urne un bulletin de vote. En 1936, quand Léon Blum a envisagé, avec son ministre d’État Maurice Violette, de déclarer électeurs une partie – une partie seulement – des Algériens musulmans, le cheikh Benbadis, tenu pourtant pour l’un des plus ardents opposants musulmans, est revenu d’un voyage à Paris en déclarant :
    — Je suis satisfait des réformes promises par le gouvernement Blum-Violette, en attendant que le suffrage universel soit réalisé pour tous, permettant l’intégration pure et simple de la collectivité musulmane dans la grande famille française.
    Le gouvernement Blum a cédé la place avant que les réformes puissent voir le jour.
     
    À l’école de Tlemcen, Ahmed Ben Bella découvre le nationalisme. Messali Hadj vient de fonder l’Union nationaliste des musulmans nord-africains qui, en 1937, va devenir le PPA (Parti du peuple algérien). Le jeune Ahmed y adhère. À l’âge du service militaire, il est affecté au 141 e régiment alpin d’infanterie à Marseille.
    Dans les confidences qu’a recueillies Robert Merle, Ben Bella reconnaît que, dans ce régiment composé d’appelés français et algériens, aucune discrimination n’était pratiquée. En 1939, il est mobilisé dans la DCA. Il abat plusieurs avions agresseurs. Il est nommé sergent et reçoit la croix de guerre.
    Après l’armistice, retour en Algérie. En 1943, il est remobilisé dans la nouvelle armée que rassemblent de Gaulle et Giraud, versé au 6 e tirailleurs algériens à Tlemcen, puis muté au 5 e tirailleurs marocains. Envoyé en Italie avec le corps expéditionnaire commandé par le général Juin, il y accomplit une campagne exceptionnelle : quatre citations, dont deux à l’ordre de l’armée. Le général de Gaulle lui-même épingle la médaille militaire sur la poitrine de ce mince et long – 1,78 m – adjudant. Une fiche de recherche postérieure le montrera les yeux marron, les cheveux noirs frisés, la lèvre inférieure épaisse, le visage ovale, le menton fuyant, le nez légèrement busqué. Peut-être, au moment où de Gaulle le décorait, le nouveau médaillé s’est-il retrouvé dans les mêmes conditions psychologiques décrites par lui-même lors de la remise de sa croix de guerre : « Je portais l’uniforme de l’armée française, je recevais une décoration française, et pourtant je ne me sentais pas français. Certes, je n’éprouvais aucun scrupule à me battre aux côtés de la France : son combat était juste, puisqu’il s’agissait de lutter contre le fascisme, et le fascisme, je croyais bien savoir ce que c’était. Au surplus, parmi mes chefs, parmi mes hommes, je n’avais que des amis. Des amis, mais non des frères. Au milieu d’eux et si amicaux qu’ils fussent, je me sentais arabe par toutes les fibres de mon cœur. Les miens n’étaient pas là, mais de l’autre côté de la mer : dix millions d’hommes pauvres et méprisés qui attendaient en silence leur libération. »
    Comment cet ultranationalisme, la guerre finie, ne se confirmerait-il pas ? Ahmed reprend la ferme de son père, devient conseiller municipal mais se sent à chaque instant bridé, contrecarré.
    Certes, les musulmans votent maintenant en Algérie mais ils n’ont droit qu’à un « deuxième collège » et ne désignent, en quelque sorte, que des députés de seconde zone. Les Français de souche – 10 % de la population – élisent autant de députés que l’ensemble des musulmans. D’ailleurs l’habitude a été prise, dès les premières élections, de truquer celles du deuxième collège.
    Ben Bella s’en persuade : seule l’action directe paiera. Il rejoint l’Organisation spéciale créée dans la clandestinité par Aït Ahmed et, dès 1949, prépare l’attaque de la poste d’Oran – que d’autres

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