C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy
il fait savoir que « la situation actuelle dans le département est mauvaise et tend à se dégrader chaque jour davantage ». Voilà pour l’administration. Qu’en est-il de l’armée ? Le général Lorillot estime que « la situation générale en Algérie est très médiocre. La situation militaire y est préoccupante ». Le général Parlange insiste « sur la détérioration extrêmement rapide de la situation » dans les Aurès et considère que « la cote d’alerte est actuellement atteinte ». Il faut lire son rapport comme « un véritable cri d’alarme ».
C’est donc que les insurgés triomphent ? Nullement. Le 15 août 1956, lors d’une réunion – naturellement clandestine – du FLN à Alger, les participants doivent bien constater que « la population musulmane manifeste une lassitude certaine ». D’autre part, « le ravitaillement, tant en vivres qu’en armes, devient extrêmement difficile ». Qui plus est, « le terrorisme urbain est devenu extrêmement difficile. Chaque attentat provoque, de la part des Européens, une réaction telle que les populations musulmanes, absolument terrorisées, arrivent à souhaiter presque ouvertement la fin de ces actions ». Le 29 septembre, le colonel Ruyssen, chef du Service de renseignements, peut informer le ministre-résidant que « de nombreux signes d’un réel fléchissement de la rébellion avaient pu être décelés ». Il ajoutait : « L’impression générale est celle d’une lassitude très nette des populations et même des bandes armées devant un nouvel hiver, d’une inquiétude et d’un désarroi marqués chez les chefs (43) . »
Nouvelle réunion clandestine du FLN le 16 octobre. Même découragement : « Nos effectifs militaires s’amenuisent de jour en jour et, malgré l’action énergique de nos responsables, le recrutement est devenu à peu près nul. Si nous ne réagissons pas et si une aide extérieure quelconque ne nous est pas apportée rapidement, le sacrifice de nos frères aura été vain. »
Au Caire, les membres de la délégation du FLN affichent toujours un optimisme de commande. Si l’on en croit un rapport du SDECE, Nasser n’est pas dupe : « Selon Nasser, les Algériens estiment que leur situation est bonne, mais son opinion personnelle est différente : il a été ému par le rappel des classes en France et s’est étonné que les Algériens aient dit ne pas s’en émouvoir. » Conclusion de Nasser :
La seule issue reste la négociation directe, à laquelle les Algériens sont prêts…
Quand deux adversaires doutent en même temps, et chacun pour sa part, d’une possibilité de succès, ils sont prêts à négocier.
Or ils négocient déjà. Nonobstant les proclamations tapageuses et les déclarations jusqu’au-boutistes des deux camps, des représentants du FLN ont rencontré en grand secret des délégués français. Important : ces entretiens ont été organisés « à l’initiative et sous l’autorité de Guy Mollet seul (44) ». Des contacts ont été pris à cinq reprises : une fois au Caire, deux fois à Belgrade, deux fois à Rome. En septembre 1956, à Rome, on va très loin. Les délégations sont composées, du côté français, de Pierre Commin, Ernest Cazelles et Pierre Herbault, tous trois secrétaires généraux du parti socialiste ; du côté algérien, de Khider, Yasid et Kiouane. On convient que le statut futur de l’Algérie « sera discuté et non octroyé ». On envisage la création d’un exécutif algérien, d’un collège unique supposant la pleine égalité de tous les habitants de l’Algérie, de l’existence de liens institutionnels entre la France et l’Algérie. Le 3 septembre, à 16 h 15, Herbault lit aux délégués algériens le texte suivant : « Conformément aux principes inclus dans le préambule de la Constitution, l’Algérie sera dotée d’une large autonomie de gestion limitée à des compétences définies et comportant un exécutif et un législatif. L’exécutif et le législatif algériens auront à connaître de toutes les matières qui n’auront pas été déclarées comme relevant de la compétence commune… Seront déclarés relevant de la compétence commune : 1. Les libertés publiques et les droits individuels ; 2. Les questions militaires ; 3. Les affaires extérieures ; 4. La planification économique et les problèmes financiers. »
On prévoit même le schéma qui doit
Weitere Kostenlose Bücher