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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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pas. C’est sérieux ; croyez-moi, très sérieux !
    Conçoit-on ce que peut être l’état d’esprit d’un homme tel que Guy Mollet – honnête s’il en fut – face à une responsabilité aussi accablante ? À quoi se résoudre ? En définitive, c’est sur lui – lui seul – que repose le poids de la décision. Fardeau écrasant.
    Le chancelier Adenauer est à Paris. Un déjeuner est prévu. Impossible de le reporter. Le vieil Allemand est venu traiter de problèmes d’importance. Après tout, le monde ne s’arrête pas de tourner à Suez. Au cours du repas, la pensée du président du Conseil français s’évade souvent. Konrad Adenauer respecte ces silences. Lui aussi, alors que son pays n’a pas même achevé de panser les plaies de là dernière guerre, tremble pour la paix du monde. La porte s’ouvre, le président du Conseil est demandé au téléphone. Présentant ses excuses à son hôte, il se lève, court jusqu’à son bureau. C’est Anthony Eden, encore. Au bout du fil, la voix est presque imperceptible, elle tremble. Mollet l’imagine tel que l’a montré un membre du Parlement britannique : « un être en train de se décomposer ».
    — Je n’en puis plus, gémit le Premier britannique. Tout le monde m’abandonne… Je suis en minorité au sein du cabinet… À Trafalgar Square, la foule gronde et réclame ma démission !
    Mollet, atterré, écoute sans rien dire. Eden poursuit :
    — L’Amérique exige… on nous refuse le pétrole… Nous courons à la guerre, à l’abîme… Je ne veux pas être le fossoyeur de l’Empire.
    On n’entend plus qu’une respiration oppressée. Guy Mollet tente un ultime combat. :
    — Gardez confiance ! Ne lâchez pas ! Nos troupes approchent du but !
    — Non, je vous le répète : Eisenhower est formel !
    Un silence. Toujours ce halètement effrayant. Puis, tout à coup, la voix qui reprend un peu de fermeté :
    — J’ai ordonné à Sir Charles Keightly de cesser le feu à 19 heures.
    Quoi ! 19 heures ! Guy Mollet n’en croit pas ses oreilles. Eden a-t-il donc pris une décision de cette importance sans en référer à ses alliés français ? Si Mollet veut convaincre son interlocuteur, il est indispensable qu’il garde son calme. Il sait qu’il ne fera pas revenir Eden sur sa décision, mais quelques heures peuvent se révéler d’un prix inestimable. On peut conquérir des positions qui permettront de traiter favorablement.
    — Accordez-nous au moins un sursis jusqu’à ce soir, jusqu’à 24 heures !
    Un soupir lui répond. Un silence. Puis :
    — Soit ! 24 heures  (37)  !
     
    Dès l’aube, le débarquement s’est opéré comme prévu. Des commandos de marines ont pris pied sur le sol égyptien, des fusiliers marins appuyés par des chars légers, un régiment français de parachutistes, ceux de Massu. Toute la matinée, on s’est battu dans Port-Saïd. À 11 h 30, l’Anglais Stockwel, le Français Beaufre ont reçu la reddition de la garnison. Le moral des troupes est à son zénith. On signale que toute résistance a cessé le long du canal. Le général Massu et le général Butler calculent le temps qu’il leur faudra pour arriver à Suez.
     
    Le climat d’euphorie est tel que les hommes d’un char britannique se sont mis à l’écoute de la BBC. Un peu de musique ne fera pas de mal. Ce qu’ils entendent, c’est tout à coup un communiqué qui résonne à leurs oreilles comme un glas : l’ordre de cessez-le-feu vient d’être communiqué à l’état-major allié.
    La nouvelle fait le tour du corps expéditionnaire. D’abord, beaucoup refusent de la croire. Et si c’était un tour de la propagande égyptienne ? Un peu plus tard, un ordre du général Stockwell vient confirmer l’accablante nouvelle. Il faudra bien cesser le feu à 24 heures GMT, soit à 2 heures du matin au plus tard.
    Le général Beaufre reçoit un quart d’heure après deux télégrammes de l’amiral Barjot dont le libellé montré à quel point, même au niveau du commandement supérieur, on est réticent : « Je transmets les directives suivantes du général chef d’état-major général des Forces Armées : 1° Un ordre va prescrire le cessez-le-feu pour le 6 à 24 heures. 2° Il importe de prendre le maximum de gages sur le canal en fonction de cette décision. 3° L’heure peut éventuellement être considérée comme point impérative tant pour les mouvements que pour le cessez-le-feu. »
    Il

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