C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy
on n’en veut pas ! Des élections au collège unique, JAMAIS (42) .
Averti d’un tel mouvement mais ne pouvant en imaginer l’importance, Guy Mollet décide d’affronter Alger. Pour faire face à toute éventualité, on fait passer dans la capitale algérienne douze compagnies de CRS et l’on réquisitionne les paras de Massu. Quand, au milieu d’une foule de Français de souche, tendue et silencieuse, le président du Conseil – livide, lèvres serrées, chapeau à la main, manteau noir lui battant les jambes –, encadré par Max Lejeune, secrétaire d’État à la Guerre et Jacques Chevallier, le maire libéral et haï d’Alger, s’avance vers le monument aux morts pour y déposer une gerbe, une volée de vociférations jaillit de toutes parts, vite muée en leitmotiv :
— AL - GÉ - RIE FRAN - ÇAI - SE , AL - GÉ - RIE FRAN - ÇAI - SE !
Cela se mêle avec :
— L’armée avec nous !
— Chevallier au poteau !
Et surtout :
— Catroux à la mer !
En même temps, jaillissent vers le cortège officiel des tomates – surtout des tomates – des pommes, des mottes de terre arrachées aux plates-bandes voisines, voire des pots de fleurs et même des drapeaux ! Les hurleurs tentent de rompre les barrages. Les CRS lancent des grenades lacrymogènes. Mollet – que les tomates épargnent, mais de peu – dépose sa gerbe. Le service d’ordre l’entraîne au moment où une tomate s’écrase sur le manteau gris de Max Lejeune. Les voitures officielles s’arrachent à cette foule enragée et foncent vers le palais d’Été où Guy Mollet et sa suite se claquemurent. Autour du monument aux morts, un nouveau cri s’est élevé et c’est un ordre :
— Au palais d’Été !
Parvenue au but, la foule se met en devoir de prendre d’assaut le palais. Les CRS, les spahis en armes résistent efficacement. L’image restera toujours dans les mémoires de ces Algérois en furie face aux mousquetons braqués. En ville, c’est l’émeute. Partout on s’en prend aux CRS. On chante La Marseillaise . Bagarres. Horions. Partout le même cri :
— Catroux dehors !
Du palais d’Eté, c’est un Mollet totalement désemparé qui appelle le président de la République. Justement ce Catroux honni se trouve à l’Élysée auprès de René Coty. Le général offre sa démission. Coty transmet au président du Conseil. Aussitôt on diffuse dans Alger un communiqué signé Mollet : « Soucieux de ne pas ajouter au drame qui divise déjà l’Algérie, j’ai accepté cette démission…» La nouvelle court la ville. La joie succède à la colère : l’Algérie française a gagné ! Ortiz fait passer une consigne immédiate : « Dissolution de la manifestation ! »
Amer, Guy Mollet constate le résultat et répète : « Je n’aurais pas dû céder. » Qui va remplacer Catroux au ministère de l’Algérie ? Telle est, au Palais d’Été, la question qui obsède Mollet. Tout se passe par téléphone. Il s’adresse à Gaston Defferre – qui refuse. Puis à Robert Lacoste, militant socialiste de toujours, résistant ardent – son père a été fusillé par les Allemands – qui, du syndicalisme a peu à peu glissé à la politique et vient d’accéder à l’un des quatre grands ministères convoités par tout parlementaire digne de ce nom : l’Économie. À cinquante-sept ans, malgré les conseils unanimes de ses amis – « Tu vas tomber dans un de ces merdiers ! » – Lacoste ne songe pas à refuser. Député de la Dordogne, plutôt petit, le ventre rond, équilibré et bon vivant, fort amateur de la cuisine du Sud-Ouest, il voit la République quasiment en danger. Il quitte les ors de la rue de Rivoli et, le 10 février, rejoint au palais d’Été un Guy Mollet rasséréné qui lui cède aussitôt la place.
Robert Lacoste trouve sur son bureau des rapports plus que préoccupants. Le préfet de Bône signale « l’intensité croissante de l’action des rebelles dans le département », précisant que ceux-ci « sont pratiquement aux portes de la ville ». Pour le sous-préfet de Bougie, « la totalité de l’arrondissement est aujourd’hui contaminée par les hors-la-loi… car nous ne disposons pas des moyens de nous opposer à l’emprise progressive des rebelles sur les populations ». Aux yeux du préfet de Constantine, « la situation continue à se dégrader… et risque de devenir rapidement périlleuse ». Quant au préfet d’Alger,
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