C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy
aboutir à la négociation définitive. Le gouvernement français publiera une « déclaration ». Les Algériens y répondront. Le gouvernement français autorisera alors la négociation et désignera ses représentants officiels. Après quoi, les Algériens désigneront les leurs.
Le journaliste Albert-Paul Lentin, en contact étroit avec les nationalistes algériens, rapporte que « la fin de la conversation fut presque euphorique ». On peut le comprendre : un tel accord permet à chacune des parties de sortir honorablement d’une situation devenue inextricable. On décide que des techniciens se réuniront bientôt pour, éventuellement, mettre sur pied toute l’opération. Lentin affirme que les futurs – probablement les derniers – entretiens, prévus pour fin octobre 1956, déboucheraient sur la rédaction d’un protocole bilatéral, signé d’une part par Guy Mollet et de l’autre par les délégués du FLN. En novembre, les pourparlers secrets devraient aboutir à la négociation publique.
Va-t-on décidément vers une solution négociée du conflit algérien ? C’est ce que souhaitent parallèlement le sultan du Maroc Mohammed V et le président tunisien Habib Bourguiba. L’un et l’autre se veulent des hommes modérés. Bourguiba n’a pas caché à Ferhat Abbas que l’accession à l’indépendance de l’Algérie ne devait pas être immédiate :
— L’Algérie n’y survivrait pas. Elle ne doit accéder à l’indépendance qu’après un long terme.
L’important, pour Bourguiba, est que les deux parties fixent les étapes de cette évolution. La première devra définir « une structure étatique, comportant un pouvoir exécutif, un pouvoir législatif, etc. ».
La réflexion de Mohammed V va dans le même sens. Il envisage une réunion à quatre qui, sous sa présidence, se tiendrait à Rabat et associerait Tunisiens, Marocains, Algériens et Français. Il envoie à Paris le prince Moulay Hassan, son fils, pour en discuter avec le gouvernement français.
D’évidence, le FLN ne peut pas être hostile à l’aide précieuse apportée par Mohammed V. Khider, mis au courant par les Marocains, se montre pourtant réticent. Le 2 octobre, il écrit à Mohammed Boudiaf : « Il est urgent d’informer nettement et clairement nos deux frères de ce que nous voulons nous-mêmes. Il faut que ces derniers sachent que nous ne sommes pas prêts à accepter d’être entraînés à une éventuelle réunion à quatre… Il faut leur faire comprendre enfin qu’une telle réunion, si elle devait jamais se tenir, doit obligatoirement être précédée d’une réunion à trois. Cette réunion préliminaire à trois doit leur permettre d’aligner leur attitude sur la nôtre vis-à-vis des Français. Ceci suppose bien entendu que nous nous hâtions de prendre le contact direct avec les Tunisiens et les Marocains. »
Tout cela n’est pas simple. D’autant plus que les Égyptiens, qui voient se former contre eux une menace franco-britannique, déconseillent désormais formellement aux membres du FLN d’aller s’asseoir à quelque table que ce soit. Par ailleurs, les chefs de la rébellion intérieure se sont réunis – le fameux « congrès de la Soummam » – et ont décidé de donner la priorité, dans la conduite de la guerre, à un Comité de coordination et d’exécution (CCE) composé de cinq membres se trouvant tous en Algérie. Celui-ci s’est empressé de signifier la « primauté de l’intérieur sur l’extérieur » à ceux qui siègent au Caire : « Il reste entendu que le problème que pose le travail à l’extérieur reste de votre ressort, lorsqu’il n’engage toutefois pas l’avenir du pays … En cas de conflit grave au sein de la délégation, le CCE tranchera. »
C’est à Tripoli, dans le courant d’octobre, qu’Ahmed Ben Bella reçoit communication de la décision qui écarte ses amis et lui-même de la direction véritable de la révolution algérienne. Il s’indigne : on veut donc liquider les chefs historiques ? En 1956, Ben Bella a quarante ans. Il se sent dans la plénitude de ses moyens. Jurant que ce congrès de la Soummam n’est pas représentatif, il refuse le raisonnement suivant lequel « l’extérieur est l’accessoire de l’intérieur ». Il proclame au contraire que, seul, l’extérieur peut juger en connaissance de cause de la situation réelle. Après de multiples négociations, Khider vient d’obtenir une
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