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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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octobre, pour Tétouan. Là, il retrouve Mohammed Khider, arrivé la veille au Maroc espagnol ainsi que Aït Ahmed, représentant du FLN à Washington. Mohammed Boudiaf, l’un des chefs historiques du 1 er novembre 1954 – et l’un de ceux qui ont joué dans l’insurrection la part peut-être la plus importante – a rejoint également ses amis à Tétouan. Il a trente-sept ans. L’homme impressionne ceux qu’il rencontre par son visage tourmenté, comme taillé à coups de serpe, et l’ascétisme qui émane de tout son être. Un cinquième partenaire va rejoindre la délégation à Tétouan : Mostefa Lacheraf, trente-neuf ans. Ce professeur d’arabe au lycée Louis-le-Grand n’est pas un dirigeant du FLN. Il n’a adhéré au mouvement qu’au mois de mai précédent. De passage à Madrid dans les premiers jours d’octobre, il y a rencontré – par hasard, semble-t-il – Mohammed Khider qui lui a demandé de l’accompagner dans le voyage qu’il devait faire au Maroc. En qualité de conseiller.
    Le même samedi 20 octobre, les « cinq » Algériens s’envolent de Tétouan pour Rabat. L’avion qu’ils empruntent a été affrété par le prince héritier du Maroc, Moulay Hassan. Bien plus, le fils de Mohammed V est venu lui-même au-devant de la délégation algérienne à Tétouan et c’est en compagnie des « cinq » qu’il est reparti pour Rabat.
     
    À peine arrivés à Rabat, ils sont conduits au palais royal où Mohammed V les rejoint. L’entretien dure trois heures. Y participent : le sultan – ce n’est que plus tard que l’on dira le roi –, le prince Moulay Hassan, Moulay Allaoui, chef du protocole, et les « cinq ».
    Le prince héritier rend compte de ses contacts à Paris avec plusieurs personnalités politiques françaises, dont Guy Mollet et… le général de Gaulle. Qu’a dit Guy Mollet au prince ? Ceci :
    — Nous voulons mettre un terme à la guerre d’Algérie. Bien souvent, nous avons essayé de prendre contact avec les chefs FLN réfugiés au Caire. Mais chaque fois que le poisson a l’air de mordre, l’hameçon nous reste entre les mains. Au bout du deuxième jour, nous ne pouvons plus accrocher. Si des représentants du FLN de l’intérieur, ceux qui se battent, veulent venir à Paris, qu’on me donne leurs noms. Je m’engage, sur l’honneur, à les faire venir en France, à les rencontrer, puis à les reconduire en Algérie avec toutes les garanties de sécurité. J’en donne ma parole  (46) .
    Remarquons que Guy Mollet s’est bien gardé de confier au prince que des entretiens secrets se sont déjà déroulés entre Français et Algériens. Maurice Bourgès-Maunoury, ministre de la Défense nationale, cernera de plus près la vérité en déclarant à Moulay Hassan que « le règlement de l’affaire algérienne arrivera à un tournant décisif fin octobre ou début novembre ».
    On peut en effet parler de tournant puisque le processus des négociations futures a été déterminé à Rome et le qualifier de décisif pour une raison que Bourgès-Maunoury n’a pu confier à Moulay Hassan : la France et la Grande-Bretagne, conjointement avec Israël, se préparent à attaquer l’Égypte. Quand Nasser sera balayé – comment douter qu’il sera balayé ? – négocier avec les Algériens deviendra un jeu d’enfant.
    À la table de la conférence de Rabat, Moulay Hassan affirme avec force sa certitude : les Français veulent négocier. Ce qui va permettre à Mohammed V de formuler les propositions auxquelles il compte rallier le président Bourguiba : les deux chefs d’État adresseront à la France un appel solennel pour arrêter l’effusion de sang en Algérie. Ils demanderont que soient créées des institutions démocratiques et sociales où le droit de chaque habitant de l’Afrique du Nord sera strictement reconnu. Ils proposeront que des dispositions soient prises « pour une véritable coopération avec la France sur tous les plans ». De la sorte, le rôle du Maghreb sera mis en évidence : « Par sa situation géographique, il doit devenir le lien entre l’Occident et le Monde arabe. »
    En fait, Mohammed V envisage une fédération du Maghreb groupant le Maroc, l’Algérie et la Tunisie. Celle-ci se placerait sous sa propre autorité spirituelle ; du moins si Bourguiba y consent. Les « cinq » ne semblent pas s’être montrés particulièrement enchantés par une telle proposition, mais l’appui de Mohammed V

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