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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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reste pour eux essentiel. Ils vont donc se rallier au projet du sultan. Du bout des lèvres.
    Dans l’esprit de Mohammed V, l’entretien avec les Algériens aurait dû demeurer discret. Il n’en est rien. L’accueil de la délégation du FLN est de ceux que l’on réserverait à des chefs d’État  (47) . Une meute de journalistes – parmi lesquels beaucoup de Français – assiège littéralement le palais. L’entourage du sultan laisse filtrer des informations précieuses. Bientôt, personne n’ignore plus que Mohammed V prépare avec les délégués du FLN une prochaine réunion commune avec Bourguiba. L’évidence saute aux yeux : Mohammed V traite, non pas avec des « rebelles », mais avec les représentants légitimes d’un État appelé à l’indépendance. Ce qui, naturellement, va être ressenti fort désagréablement par Paris.
     
    Dans la soirée du dimanche 21 octobre, Alain Savary, secrétaire d’État chargé des Affaires marocaines et tunisiennes, fait publier un communiqué fort sévère : « Le gouvernement français comprend l’intérêt que le Maroc porte à l’avenir de l’Algérie… En revanche, il lui apparaît inconcevable que des chefs de la rébellion algérienne fassent l’objet de manifestations officielles de la part des autorités marocaines. On ne saurait admettre que des démonstrations spectaculaires aient lieu dans un pays ami à l’occasion de la venue de rebelles algériens alors que l’armée française fait en Algérie son devoir pour permettre l’établissement de conditions favorables à une mise en œuvre de solutions librement acceptées par les populations d’Algérie. »
    La fin du communiqué, bien que prévisible, tombe à la manière d’un couperet : « Le gouvernement français a décidé de suspendre les négociations en cours avec le gouvernement chérifien. » Si les craintes du gouvernement français devaient se confirmer, « il serait vain de poursuivre l’élaboration d’accords engageant autant l’avenir que la convention d’assistance technique et la convention financière ».
    Ce n’est que le dimanche soir que le communiqué est publié à Paris. Il ne sera transmis que le lendemain, 22 octobre, à Rabat. De sorte que Mohammed V prendra l’avion pour Tunis sans savoir que ses sympathies algériennes viennent de faire naître, entre le Maroc et la France, une crise grave.
    Lors de la conférence du 20, le sultan a courtoisement proposé aux Algériens de les emmener dans son Super-Constellation . Les délégués du FLN ont accepté, quoique Ben Bella, de son propre aveu, se soit montré réticent du fait que l’avion royal serait piloté par un équipage français. « Mais la présence du souverain du Maroc dans le même avion, dira-t-il, nous parut constituer pour nous une garantie suffisante. »
    Tout à coup, au matin du 22, contrordre. Certes, le communiqué de Savary n’est pas encore parvenu à Rabat, mais le sultan est un homme avisé. À la réflexion, il s’est rendu compte que ce voyage en compagnie des Algériens serait nécessairement considéré par les Français comme une provocation. Au colonel Touya – un Béarnais devenu son ami et conseiller – il a confié, dès le dimanche soir :
    — Tranquillisez-vous. Vous ne serez pas contraint de refuser de m’accompagner à Tunis. Ben Bella et ses compagnons voyageront à part.
    À quelques heures du départ, les « cinq » sont prévenus que, malheureusement, ils ne pourront pas monter dans l’avion de Sa Majesté : « Toutes les places sont prises. » On mettra donc à leur disposition un autre appareil, un DC3 de la compagnie Air Atlas dont l’équipage – comme celui de l’avion du sultan – est français.
    La réserve de Ben Bella s’accroît : on ne disposera plus de la sauvegarde royale. Lors de ses déplacements, il a toujours eu recours à des compagnies étrangères. Que faire ? « Nous étions déjà le 22 octobre, expliquera-t-il. La réunion de Tunis avait été fixée au 23. Le temps manquait pour gagner Tunis via Madrid. Nous acceptâmes la proposition du palais. Dans notre perspective de l’époque, la paix était imminente, et le gouvernement français, qui paraissait si désireux de la signer, ne pouvait consentir à la saboter en laissant monter contre nous une opération. Telle fut, en définitive, notre erreur. Nous avons surestimé le gouvernement de l’adversaire : sa cohésion, la loyauté des ministres et

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