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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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un instant l’effroi. Deux officiers, surgissant de leur tourelle, crient qu’ils ne tireront pas sur la foule ! Des camions paraissent, chargés d’ouvriers ; des soldats ou des policiers rencontrés en chemin leur ont remis des armes. D’autres se sont fait ouvrir les armureries de casernes.
    Toute la nuit, autour de la Maison de la Radio, on va se battre. Pendant les jours qui suivront, on se battra encore sporadiquement autour de l’immeuble. En définitive, les insurgés s’en empareront et feront prisonniers les agents de l’AVH qui l’auront défendue.
    Au cours de la même nuit, d’autres manifestants se sont rendus aux bureaux du journal du Parti, le Szabad Nep , pour réclamer la publication des seize points élaborés par les étudiants du Cercle Petöfï. Ils ont trouvé le siège du journal protégé par un détachement de l’AVH qui, là aussi, a tiré sur la foule. La nuit s’avançant, les manifestants – qui ont pu se procurer des armes – parviendront à occuper le bâtiment tout entier.
    Dans les heures qui suivent, les manifestants pénètrent par effraction dans les librairies qui vendent des livres russes. Ils en font des montagnes vite transformées en feux de joie. Les observateurs témoignent que l’on n’a commis aucun pillage au cours de cette nuit. En revanche, les premiers morts sont tombés.
     
    Chers auditeurs, voici maintenant une information spéciale. Convoqué par le Politburo, le Comité central vient de se réunir pour discuter de la situation actuelle et des mesures qu’il convient de prendre.
    À 22 h 22, tel est le communiqué que la radio de Budapest vient de diffuser.
    Étrange et dramatique, cette réunion du Comité central. Après son discours de la place du Parlement, Imre Nagy a été convoqué d’urgence au siège du Comité central du Parti. Il ne s’est pas dérobé. Les cent mètres qui séparent le Parlement et ce siège, le Vieux les a parcourus à pied, accompagné de son gendre, un pasteur protestant, et de plusieurs amis.
    Gerö attend en compagnie du Premier ministre Andras Hegedus. Plutôt frais, l’accueil :
    — Voilà donc ce que tu as réussi ! s’exclame Gerö hors de lui.
    Avec un calme parfait, Nagy rappelle qu’il rentre de vacances. Si Gerö le veut, il peut repartir sur-le-champ.
    Gerö bondit :
    — C’est toi qui as préparé ce plat, tu n’as plus qu’à cuire dans ton jus !
    Avec le même calme, le Vieux rappelle qu’il a mis en garde, à plusieurs reprises, le Parti et le gouvernement, les conjurant de ne pas jouer avec le feu. Furieux, Hegedus crie que ce feu a été allumé par lui, Nagy.
    — Vous avez mené et vous menez encore aujourd’hui, rétorque Nagy, une politique nulle, bâclée, de demi-mesures, d’affronts inutiles.
    Pour toute réponse, Gerö clame que, pour n’avoir pas obtenu satisfaction de la part du Comité central, Nagy a organisé par dépit une émeute fasciste :
    — Je la réprimerai dans le sang, ton émeute !
    De la réunion du Comité, que savons-nous ? D’abord, on a intimé l’ordre à Imre Nagy d’attendre dans l’antichambre. Il a obtempéré. Les informations qui ont filtré montrent que la discussion fut dure, pénible. Face à Gerö qui ne voulait à aucun prix que l’on fît appel à Imre Nagy, les plus raisonnables des participants ont souligné qu’il fallait, à l’instar des Polonais, lâcher du lest. La popularité de Imre Nagy est incontestable. Ne faut-il pas en tenir compte ? Les informations provenant de l’extérieur mettent à rude épreuve la fidélité des amis de Gerö : le nombre des manifestants grossit d’heure en heure !
    Une majorité se dégage enfin pour réintégrer Imre Nagy dans les rangs du Comité central. Et lui attribuer les fonctions de Premier ministre !
    Nagy attend toujours dans l’antichambre. La porte s’ouvre. On vient lui annoncer la nouvelle. Le Vieux demeure grave, très grave. Il n’acceptera que si l’on procède à des changements profonds parmi les hautes instances du Parti. Il exige que plusieurs fidèles de Rakosi quittent le bureau politique.
    La porte se referme. Nouvelle – et interminable – discussion. Pendant ce temps, on se bat toujours autour de la Maison de la Radio. On meurt devant le siège du quotidien du Parti.
    La porte s’ouvre une seconde fois : on vient dire à Nagy que satisfaction lui est donnée mais que l’on a décidé de faire appel aux troupes soviétiques cantonnées dans les

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