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Charly 9

Charly 9

Titel: Charly 9 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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Charly 9 observe également le visage de
Navarre de l’autre côté de la vitre du carrosse.
    La nuit rêveuse pâlit, scintille et
fond dans l’air. Des branches d’arbres s’agitent. L’aube ressuscite les fleurs.
Un aigle vole un lièvre vers des serpolets. C’est délicieux d’aller à travers
ce brouillard léger et de suivre la chanson du vent où la lumière et l’ombre
profilent en broderies.
    Le batelier, comme un pierrot de
corvée, tire les rames qui rappellent les battements d’ailes d’une libellule.
L’alouette monte au ciel vers le jour. Avril fait crier l’insecte dans les
herbes ! Fantôme perdu en ces fantaisies fantasques le long de la rivière
aux ondes prolifiques, le souverain est bercé comme un enfant qui rêve et
glisse sur les eaux parmi les roseaux et la brume. Il s’étonne de tout ce
bonheur d’un jour qui se lève encore même si après avoir d’abord reconnu au
loin deux chênes dans un long champ, passant devant un hameau brûlé, il peut
lire, écrit à la craie, sur un mur noirci :
     
    Il va mourir, ce traître roi !
    Il va mourir, ô l’hypocrite !
    Il va mourir en désarroi,
    Vêtu de son fait inique !
    Il va mourir, ô le méchant !
     
    Toujours transpirant écarlate dans
une fièvre cathartique qui est tantôt quarte, tantôt continue, cette plaie
sanguinolente de Charly 9 – jeune homme stigmate – étend ses bras en
croix. Extrémité des doigts dans l’eau de chaque côté de la barque, la lumière,
entre les feuillages des arbres, peint sur sa peau des vitraux.
    Allez, batelier, rame, remonte la
Seine ! Tu accosteras juste devant le Louvre où des soldats porteront le
roi sur leurs épaules afin de le conduire en son palais. Pour l’instant, le
monarque prend son cor et y souffle une pauvre plainte :
    — Couiiic…
     

 
39
    En sa rêverie avec un doigt contre la
tempe et sa santé altérée par les remords dans ce Louvre plus triste encore où
chacun s’organise déjà en prévision de sa mort, Charly 9 est assis, seul,
au bout de la grande salle du trône.
    Chemise trempée de sang et face
contrariée, il ne semble plus rien attendre du reste de sa courte existence.
Amaigri par l’hémorragie cutanée qui le vide, sa continuelle mélancolie le rend
insensible à tout. Las, cassé, bonnet de velours pendant sur l’oreille avec une
plume mise à la bizarre, il vit de ses instants où l’âme anéantie paraît être
avertie d’un sinistre avenir.
    Mais soudain, belle d’éclairs, de
fracas et de fastes, Marguerite de Valois déboule dans la salle en portant un
bocal d’alcool dans lequel flotte une tête humaine que reconnaît le roi.
    — Joseph Boniface, ô mon La
Môle ! dit-elle au bocal. Si Hercule m’a mis le pied à l’étrier, c’est toi
et non mon mari béarnais que j’ai follement désiré !
    Sa jupe va et vient comme une marée
et le sol retentit de ses chaussures que l’on ne voit pas tandis qu’autour
c’est, en cadences soyeuses, un grand frémissement d’ailes mystérieuses. Aussi
seule que son frère l’est sur le trône, en tournoyant dans la salle, elle
continue de s’adresser à un bocal :
    — Sachons, chéri, que tout
bonheur repose sur le sable. Tu vois que c’était fatal ! Pourtant, tous
deux, si pacifique fut notre course terrestre.
    Ô propos aboutissant à la
folie ! Elle fripe ses jupes de soie. Dehors, sur les branches, des
corbeaux ont leur bec avide qui cliquette à la vue d’un festin si beau dans un
bocal qu’ils regardent par la fenêtre ouverte.
    Traces de petite vérole au visage
(truc qu’a dû lui refiler l’incestueux Alençon qui en est tellement abîmé), la
reine de Navarre tombe à genoux devant le bocal qu’elle pose au sol :
    — Plût au ciel, Joseph
Boniface, que cette journée du 30 avril 1574 fût ôtée de nos annales plutôt que
ta tête que j’ai vue, ce matin, retirée de ton corps si beau !…
    Elle s’en bat la poitrine puis
dévisse le couvercle du récipient en verre par-dessus lequel elle se
penche :
    — Ces pleurs sont le sang de
mon âme ! dit-elle en laissant tomber des larmes dans le bocal où la
chevelure de l’amant barbote dans l’alcool.
    — Mais que fais-tu là, toi,
folle au front cramoisi, nez rouge ?!… tonne soudain une voix à l’accent
italien.
    C’est la reine mère, avec son train
restant dans l’antichambre, qui arrive dans la salle du trône pour aussitôt en
chasser sa fille :
    — Hors d’ici, Marguerite,

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