Charly 9
requinquerait et puis voyez…
C’est une bouse de cire coulée d’une chandelle.
— Allons, Catherine, vous
parlez quand même d’un de vos fils… lui rappelle Ambroise. Un fils qui se sera
perdu dans le tourbillon de l’Histoire.
— Vous le défendez, Paré, parce
que sans lui, à la Saint-Barthélemy, couic comme les autres parpaillots !
Pensez-vous qu’il s’en tirera ?
— Reine, vous savez bien que,
par décret, c’est une question à laquelle je n’ai pas le droit de répondre. Je
serais en infraction si je me mêlais de cette fièvre pourpre du roi qui fait
partie du domaine réservé à la médecine.
— Alors opérez-le puisque vous
êtes chirurgien !
— L’opérer de quoi, du
désespoir ? J’ignore où se trouve la tumeur. Voyez plutôt avec son premier
médecin qui fait tout ce qui dépend de son art et n’y oublie rien.
— Mazille est un âne !
s’énerve la mère. Près de Vitry-en-Perthois, il avait prédit que le roi ne
passerait pas le mardi gras 1574 et, même s’il a effectivement failli y laisser
la peau à cause d’une tentative d’attentat des Malcontents, il est toujours en
vie, hé…
— Vous avez failli dire
« hélas » ?
— Je dois le réveiller.
— Il me semble, reine, qu’il
vaudrait mieux plutôt le laisser se repo…
— De quoi vous mêlez-vous,
Paré ? Vous n’êtes pas médecin ! s’agace Catherine de Médicis,
traversant la salle pour grimper sur l’estrade où elle secoue son garçon. Mon
fils ! Oh ! Allez ! Ouvre les yeux ! Et vous, Ambroise,
faites entrer maintenant le Conseil du roi qui attend dans l’antichambre.
— Je ne suis pas huissier,
rétorque le chirurgien huguenot en s’en allant par la porte qu’il laisse grande
ouverte.
Alors que sur son trône
Charly 9 s’éveille avec des sueurs rouges et que, dans sa santé
déclinante, il se met à se plaindre, soupirer et pleurer, sa mère
l’engueule :
— Pour l’amour de Dieu, que Ta
Majesté cesse de larmoyer ! Tu ne dois pas pleurer. Les étrangers et tes
sujets pourraient s’en apercevoir. Un roi ne doit jamais pleurer. Entrez, vous
autres !
Entourés par des gardes suisses
resplendissants – chausses de deux couleurs, manches à crevés découpés en
lanières, cuirasse au buste –, arrivent quelques membres du Conseil que talonne
un petit aumônier à col blanc auquel s’adresse aussitôt le monarque dans un
souffle :
— Ah, Ronsard… J’ai, ce matin,
lu vos trois cents premiers vers de La Franciade et ne vous cache pas
que je suis déçu…
— Commeint ?!
— ILS NE SONT PAS JOLIS VOS
DÉCASYLLABES ! tousse le monarque.
— Ah, ça, c’est sûr qu’il leur
manque deux pieds. Ils me font suer eau et sang. Oh, pardon Majesté !
— Ça viendra, Pierre. La suite
sera meilleure. Je crois que…
— Bon, s’impatiente Catherine
de Médicis. On discutera peut-être versification et comment tourner les
rondeaux une autre fois ! Mon fils, tu dois m’écouter, ajoute-t-elle en
descendant de l’estrade.
Épaules de sa robe noire immensément
rembourrées et gonflées comme des bulles, la reine mère roule ses yeux
globuleux pour relater à son fils :
— Nous avons un souci. En ce
matin de toute fin mars, une troupe de sept cents fantassins et cavaliers
Malcontents fut aperçue dans une plaine de la Beauce non loin de
Saint-Germain-en-Laye. Ces soldats, en une nuit, sont venus comme les
champignons.
— Que veulent-ils ?
— Faire évader de ce château
Navarre et Condé placés en résidence surveillée. La Môle et aussi Annibal de
Coconas, que tu aurais paraît-il chagriné l’an dernier en le faisant pendre par
les pieds, seraient dans le coup. Gabriel de Montgomery, quinze ans après avoir
accidentellement tué ton père lors d’un tournoi, s’est mêlé également au
complot.
— Comment le sais-tu ?
— Tu me connais. Je n’ai pas eu
besoin d’un long temps pour faire tout avouer à ton frère François pris de
panique.
— Hercule ?
— Oui. Le petit moricaud dit,
maintenant, regretter et ce malin de Navarre, la main sur le cœur, jure
évidemment n’avoir rien su.
— Bon, soupire Sa Majesté, encore
une trahison ! Quand serons-nous à la millième ? Au moins, s’ils
eussent attendu ma mort prochaine ! C’est trop m’en vouloir.
— Cesse d’envisager ton décès
avant qu’on ait organisé le retour d’Henri ! ordonne la reine mère en
croisant les doigts. Dans l’intérêt
Weitere Kostenlose Bücher