Chasse au loup
profiteurs, assurer une logistique correcte (soldes, vivres, habits, armes et munitions, logements...) qu’il fallait d’ailleurs examiner elle aussi de près tant les fournisseurs escrocs et les fonctionnaires corrompus pullulaient...
Face au manque d’entrain de ses compagnons, Relmyer s’énerva.
— Rien ne vous y oblige ! Mais nous connaissons tous la lourdeur et le pointillisme des administrations. Qui plus est, l’Empire autrichien est démesuré : il inclut la Hongrie, la Bohême, la Moravie, la Galicie, la Slovénie, la Croatie, la Slavonie, la Transylvanie... Au milieu de tant de papiers, peut-être existe-t-il le double oublié d’un rapport ou la traduction d’une missive qui aura échappé à la vigilance de ceux qui étaient chargés d’emporter ou de détruire les documents confidentiels. N’oubliez pas que l’armée autrichienne n’avait pas prévu d’être refoulée par Napoléon. Vienne a été évacuée en catastrophe et, dans la précipitation, on commet des erreurs.
Margont demeurait sceptique.
— De tels indices existent certainement... Cependant, cela prendrait des mois...
— Eh bien, j’y passerai des mois, s’entêta Relmyer. S’il le faut, je trouverai des traducteurs pour le hongrois, le croate, le tchèque, le Slovène, le polonais, le roumain et les dizaines d’autres langues et dialectes que l’on parle dans cet empire monstrueux.
Margont répondit d’une voix posée afin de le calmer.
— Des Français ont déjà cherché ces registres. Vous pensez bien que l’Empereur a fait examiner les archives autrichiennes. Cette nuit, j’ai interrogé l’une de mes connaissances...
— L’une de mes connaissances ! précisa Lefine.
— Effectivement, Fernand, et je t’en remercie une nouvelle fois, même si j’ai dû vous payer tous les deux. D’après cet aide de camp attaché à l’état-major général, on n’a découvert aucun document intéressant concernant les armées autrichiennes. Je vous propose une autre façon de procéder et, si celle-ci échoue, alors nous irons nager dans les archives viennoises.
— Une autre façon de procéder ? répéta Relmyer en butant sur le mot « autre ».
Il s’immobilisa net, au coeur de la Stephansplatz. La Stephansdom, la cathédrale Saint-Étienne, était dotée d’une unique flèche, car l’argent et l’énergie prévus pour ériger la seconde avaient été dépensés pour renforcer les fortifications avant le premier siège turc, celui de 1529. Dans le dos de Relmyer s’élevait ce clocher gothique dont la déroutante complexité de pierre semblait incarner les interrogations et les inquiétudes du jeune hussard.
— Adressons-nous à l’une des personnes qui remplissent ces registres, expliqua Margont. Indirectement, bien sûr. Il nous faut convaincre un sympathisant de la cause autrichienne demeuré à Vienne d’accepter d’en parler à des partisans. Certains de ces derniers franchissent régulièrement la ligne de front et pourraient tenter d’obtenir le renseignement que nous cherchons. Après tout, nous nous moquons des registres eux-mêmes, ce qui nous intéresse, c’est la liste des noms de ceux qui les remplissent. Or ces bureaucrates ont dû suivre l’armée autrichienne afin d’éviter d’être arrêtés et interrogés au sujet des effectifs ennemis. Si les gens comprennent dans quel but nous cherchons cette information, peut-être nous la livreront-ils.
Relmyer étudiait cette nouvelle piste, évaluant le pour et le contre.
— Cela serait long, sans doute plusieurs jours, quoique moins long qu’avec ma méthode, je le concède. Hélas, cela ne peut pas marcher. Il faudrait trouver un sympathisant autrichien, le persuader de notre sincérité, qu’il accepte et qu’il dispose d’un crédit tel qu’il puisse à son tour convaincre les combattants auxquels il s’adressera. Nous ne trouverons jamais un tel homme.
Margont sourit.
— Et que pensez-vous de Luise ?
CHAPITRE XII
Dans un premier temps, Relmyer avait décliné la proposition de Margont pour protéger Luise, puis il avait accepté de faire confiance à ce Français.
Margont et Lefine patientaient dans le salon des Mitterburg tandis que Relmyer discutait avec Luise. Un domestique en livrée bleu-noir les surveillait, méprisant. Cela énerva Lefine qui se laissa tomber sur un divan, croisa les jambes et se mit à fredonner : « Ah ça ira, ça ira, ça ira, les aristocrates à la lanterne, ah
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