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Chasse au loup

Chasse au loup

Titel: Chasse au loup Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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responsable que Relmyer de ce qui est arrivé. Relmyer me fait l’effet d’un homme en train de s’extirper d’un gouffre. En lui tendant la main, nous augmentons ses chances de succès, mais il peut trébucher et nous entraîner dans le vide avec lui ! Il y a déjà les Autrichiens face à nous, les partisans dans notre dos et, quelque part, un assassin aussi insaisissable qu’un fantôme. Or voilà maintenant qu’en plus Relmyer se met à blesser ceux qui l’approchent !
    — Son sabre est à double tranchant...
    — Tu as assisté au duel ?
    — Non. J’étais trop soûl pour voir autre chose que le buffet et les Autrichiennes.
    — Dire que Piquebois a expédié à terre je ne sais combien d’adversaires dans sa vie ! Face à Relmyer, il ne s’est pas retenu, crois-moi !
    Lefine acquiesça.
    — Quand Antoine dégaine, il perd la tête. C’est comme si son sabre se mettait à penser à sa place.
    — Eh bien, Relmyer a dominé la totalité du duel.
    Lefine tapota mollement dans ses mains et cette plaisanterie douteuse irrita plus encore Margont.
    — Il survivra, poursuivit-il tandis que Lefine blêmissait, prenant tout à coup conscience du fait que son ami aurait réellement pu périr, qu’il ne s’agissait pas que d’une bêtise macabre liée à l’absurdité de l’homme. Tôt ce matin, je suis allé voir Jean-Quenin. Il y a une histoire d’articulation scapulo-humérale abîmée et de tendons quelque chose sectionnés... Pourquoi les médecins ne sont-ils donc jamais capables de donner une réponse claire ?
    — Qn’attendre d’autre de gens qui ont des cours en latin ?
    — N’exagérons rien, cela ne concerne qu’une partie des livres et des traités d’anatomie. Mais c’est déjà bien trop à mon goût. Bref, je n’ai rien compris si ce n’est que cette blessure n’est pas mortelle et qu’Antoine retrouvera bientôt l’usage de son bras.
    — Formidable ! D’autres duels en perspective, ironisa Lefine d’un air désabusé.
    — Il n’en est pas question !
    Relmyer n’arrivait toujours pas. Pour se calmer, Margont se mit à étudier la Pestsäule, haute de plusieurs mètres et au baroque luxuriant. En 1679, la peste avait décimé Vienne, la tapissant de cent mille victimes. L’empereur Léopold I er avait plus tard fait ériger cette colonne pour remercier Dieu d’avoir éradiqué l’épidémie. La Sainte-Trinité, en métal doré, surplombait une cascade de personnages, humains ou anges. Léopold I er , agenouillé, priait. Au-dessous de lui, une femme tenant une croix symbolisait la Foi triomphant de la Peste, incarnée par une vieille dame à terre, nue, la peau flasque et ridée. Margont pensa à la colonne de la Grande Armée, place Vendôme, qui n’était pas encore achevée. Deux oeuvres qui célébraient le triomphe de la vie (celle de la Grande Armée était confectionnée avec le bronze des mille deux cents canons pris à Austerlitz et à Vienne, en 1805, car on croyait alors à une paix durable...). Lefine laissait son regard glisser sur l’édifice, de visage en visage.
    — Après la grande bataille avec les Autrichiens, on édifiera une colonne semblable à celle-là, annonça-t-il à Margont. Mais beaucoup beaucoup plus haute et avec encore plus de personnages. Une gigantesque pile de cadavres qui touchera le ciel. Au sommet trônera l’Empereur désignant Moscou ou Londres, lieu de la prochaine colonne.
    Margont devenait de plus en plus perplexe.
    — Chaque guerre, au lieu d’apporter la paix, ne fait qu’en déclencher de nouvelles... Nous avons trébuché quelque part et nous ne parvenons plus à retrouver notre équilibre.
    Relmyer arrivait. Sa démarche chaloupée, son assurance et son uniforme éclatant attiraient les regards des passantes et la colère des maris. Ses bottes claquaient sur les pavés pour rappeler à l’ordre ceux qui ne l’avaient pas remarqué. Il se figea devant les deux hommes et tendit la main. Margont la lui serra à peine et livra immédiatement ce qu’il avait sur le coeur.
    — Dois-je vraiment continuer à vous aider ? À force de vous côtoyer, ne vais-je pas finir par me retrouver avec votre lame dans le ventre ?
    — Jamais de la vie !
    Relmyer s’exprimait avec toute la sincérité du monde. Mais était-ce une garantie suffisante ?
    — Je vous certifie que je n’aurais pas tué votre ami, ajouta-t-il.
    Il avait l’arrogance des maîtres d’armes qui estimaient manier leur lame

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