Christophe Colomb : le voyageur de l'infini
accompagné de l’amiral des mers
Océanes. L’expression les avait fait sursauter. D’amiral, ils n’en
connaissaient qu’un, Don Alonso Henriquez, lointain cousin du roi, qui s’était
arrogé le monopole du trafic avec les Canaries, prélevant, en plus des taxes, une
commission sur chaque cargaison. Il n’était guère aimé à Palos. Lors du mariage
de sa petite-nièce, Isabelle d’Aragon, avec l’infant Afonso du Portugal, il
avait laissé les capitaines de Lisbonne arraisonner des navires de Palos qui
péchaient au large de La Gomera. Pour une fois, les équipages avaient été
épargnés mais Palos avait été condamnée à payer une très lourde amende dont les
alcades ne s’étaient toujours pas acquittés, faute de moyens. C’était peut-être
cette somme que venait réclamer cet amiral des mers Océanes, sans doute l’une
des créatures de Martin Pinzon.
Les alcades en discutaient encore entre eux quand des
guetteurs, placés à l’entrée du village, les avertirent qu’un groupe de
cavaliers arrivait du monastère de la Rabida. Ils firent halte devant l’église
et descendirent de leurs montures, jetant un regard distrait à la foule qui
s’était massée sur la grande place. Il y avait là Martin Pinzon, le prieur du
monastère, le frère Perez, ravi d’avoir pu galoper comme il le faisait dans son
enfance, plusieurs commis et un homme vêtu avec soin, au visage impénétrable.
Tous entrèrent dans l’église, se signant machinalement en passant devant le
maître-autel. À toutes fins utiles, Alvaro Alonso Cosio avait fait préparer
quelques rafraîchissements dans la salle où se réunissaient les marguilliers.
Les visiteurs les dédaignèrent. L’air contrarié, Martin
Pinzon se tourna vers l’alcade :
— Décidément, vous n’êtes bon à rien et il faut tout
vous expliquer. Vous auriez dû comprendre qu’il vous fallait rassembler tous
les hommes majeurs de ce port pour qu’ils entendent lecture des ordres de Leurs
Majestés. Si j’avais voulu m’entretenir en privé avec vous, je l’aurais fait
depuis longtemps. Peu importe. Faites entrer ceux qui se tiennent sur la grande
place, ils raconteront à leurs compères ce que nous avons à leur dire.
Tandis que la foule pénétrait dans l’édifice, le frère Perez
était grimpé en chaire et, ayant imposé le silence d’un simple geste de la
main, entreprit de lire le parchemin qu’il tenait dans ses mains :
— Don Fernando et Dona Isabel, par la grâce de Dieu
roi et reine de Castille, de Léon, d’Aragon, de Valence, de Galice, de
Majorque, de Séville, de Sardaigne, de Cordoue, de Corse, de Murcie, de Jaen,
des Algarves, d’Algésiras, de Gibraltar et des îles Canaries ; comtes de
Barcelone, seigneurs de Biscaye et de Molina, ducs d’Athènes et de
Néopatrie ; comtes de Roussillon et de Cerdagne ; marquis d’Oristan
et de Gociano,
À vous, Diego Rodriguez Prieto, et à toutes les autres
personnes, vos compagnons et autres bourgeois de la ville de Palos, et à chacun
de vous, salut et grâce.
Comme bien vous savez, pour quelques choses faites et
commises par vous en ce qui est de notre service, vous avez été condamnés par
ceux de notre Conseil à l’obligation de nous servir douze mois avec deux
caravelles armées à vos propres frais et dépens, chacune en temps et en lieu
qui seraient par nous exigés, sous certaines peines, prévues plus au long en
ladite sentence prononcée contre vous et notifiée. Et à présent que nous avons
mandé à Cristobal Colon d’aller avec une flotte de trois caravelles, comme
capitaine desdites trois caravelles, sur certaines parties de la mer Océane,
pour y accomplir quelque mission qui convient à notre service, et que nous
voulons qu’il emmène avec lui les susdites caravelles avec lesquelles vous
deviez ainsi nous servir ; en conséquence, nous vous mandons que, du jour
où par la présente lettre vous serez requis jusqu’au dixième jour suivant, sans
plus nous requérir ni consulter, ni attendre, ni avoir autre lettre de nous à
ce sujet, vous ayez à préparer et fréter lesdites deux caravelles armées, comme
vous y êtes obligés en vertu de ladite sentence, pour partir avec ledit
Cristobal Colon où nous lui mandons d’aller. Et vous partirez avec lui au susdit
terme, alors et quand par lui cela vous sera dit et ordonné de notre
part ; et nous lui mandons qu’il vous paie dès lors la solde de quatre
mois pour tous les gens qui iront sur
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