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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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un contrat avec un pilote
renvoyé depuis peu par l’un des frères Pinzon et qui, pour trouver de nouveaux
clients, leur offrait des conditions très avantageuses. L’affaire avait été
réglée discrètement. Le marchand de Séville, qu’on disait pourtant fort
procédurier, avait retiré ses plaintes et juré à ses collègues qu’il n’y avait
pas de meilleurs armateurs que les Pinzon.
    Les deux alcades se demandaient donc ce que pouvait bien
leur vouloir ce fieffé coquin. Il leur avait joué un tour à sa manière à
l’automne dernier en affrétant tous les navires à plus de cent lieues à la
ronde, versant aux capitaines de fortes avances et immobilisant leurs bateaux à
quai. Une véritable catastrophe pour les artisans et les boutiquiers de la
région. Ceux-ci n’avaient plus eu pour clients, pendant quelques semaines, que
trois armateurs, Cristobal Quintero, Juan Nino et Juan de la Cosa. Leurs
navires, la Pinta, la Niña et la Gallega, ne sortaient que
fort rarement en mer et se contentaient de se rendre à Cadiz. Ce n’étant pas
avec de telles « expéditions » que les uns et les autres pouvaient
vivre.
    La révolte avait grondé et s’était éteinte presque aussi
rapidement qu’elle était née quand avait été connu le décret portant expulsion
des Juifs. Contrairement aux espérances nourries par certains, la mesure
n’avait pas été reportée. Abraham Senor et Isaac Abrabanel avaient certes
obtenu une audience des souverains et s’y étaient rendus, accompagnés d’une
foule de domestiques portant de lourds coffres remplis de maravédis, de ducats
et de cruzados. Il y en avait, disait-on, pour près de cent millions de
maravédis, qu’ils avaient déposés aux pieds d’Isabelle et de Ferdinand en les
assurant que c’était là une partie des revenus que leurs sujets juifs leur
verseraient les années suivantes s’ils étaient autorisés à demeurer dans leurs
domaines. Le Grand Inquisiteur Tomas de Torquemada avait alors jeté une bourse
remplie de pièces d’or à terre, grinçant qu’il s’acquittait ainsi de la part due
par Judas l’Iscariote. Son geste avait coupé court aux hésitations des deux
souverains. Tout au plus avaient-ils concédé aux Juifs un délai supplémentaire
de deux mois, leur laissant jusqu’au 2 août pour quitter l’Espagne.
    Le cœur brisé, Abraham Senor et ses fils avaient préféré se
convertir et ne voulaient plus avoir affaire à leurs anciens coreligionnaires,
si ce n’est pour vendre à prix d’or une place à bord des navires dont ils
étaient les propriétaires ou les armateurs. Par milliers, les Juifs affluaient
dans les ports de la côte, en provenance de Cordoue, Grenade, Lucena, Jaen,
Tolède, Alcala de Real ou Salamanque. Ils campaient sur les quais et dans les
champs autour de la ville, se débarrassant de leur or et de leurs bijoux, les
échangeant à vil prix contre des toiles, des jarres d’huile ou des barriques de
vin. Quand ils avaient réussi à trouver un passage, ils montaient à bord des
navires, en petits groupes, serrés autour de leurs anciens, quelques-uns
portant dans leurs bras les lourds rouleaux de la Loi. Ils chantaient des
chants tristes, étouffant difficilement leurs sanglots. À chaque fois, la même
scène se reproduisait. Au moment où un portefaix resté sur le quai s’apprêtait
à relever la passerelle, une dizaine de personnes la dévalaient, suppliant
qu’on les conduise à l’église pour y recevoir le baptême et l’autorisation de
demeurer en Espagne. Parfois, des familles se trouvaient ainsi brisées. Des
hommes abandonnaient leurs épouses et leur progéniture, des adultes
s’enfuyaient sans un regard pour leurs vieux parents, des mères, saisies de
panique en voyant le bateau tanguer, jetaient leurs enfants en bas âge en
direction des badauds, les suppliant de prendre soin d’eux.
    Martin Pinzon était présent à chaque départ. Lui et ses commis
avaient la liste de tous les navires en partance depuis Cadiz jusqu’à Valence.
Ils utilisaient la Niña, la Pinta et la Gallega pour
convoyer d’un port à l’autre les candidats au départ, les assurant qu’ils
seraient bientôt en Berbérie ou, pour les plus heureux, au Portugal. Il
empochait des bénéfices fabuleux, à la grande colère des autres armateurs qui
se plaignaient d’avoir été écartés de cette manne.
    Les alcades s’attendaient donc au pire, d’autant que ce
fieffé coquin leur avait dit qu’il serait

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