Christophe Colomb : le voyageur de l'infini
Altesses, est ce qui
suit :
Premièrement : que Vos Altesses, comme seigneurs
qu’Elles sont desdites mers Océanes, fassent dès à présent, dudit Don Cristobal
Colon, leur amiral sur toutes les îles et terres fermes qui, par sa main et son
industrie, seront découvertes et conquises sur lesdites mers Océanes ;
duquel titre jouiront, lui, sa vie durant, puis, après sa mort, ses héritiers
et successeurs, de l’un à l’autre perpétuellement, avec toutes les prééminences
et prérogatives, que sont de tel office et telles que Don Alonso Henriquez,
votre Grand Amiral de Castille, et ses prédécesseurs en jouissaient en leurs
districts.
En outre : que Vos Altesses fassent dudit Don
Cristobal leur vice-roi et gouverneur général de toutes les susdites îles et
terres fermes qui, comme il est dit, seront découvertes et conquises sur
lesdites mers, et que, pour le gouvernement de chacune et d’une quelconque
d’entre elles, il lui appartienne de désigner pour chaque charge trois personnes
parmi lesquelles Vos Altesses prendront et choisiront une, celle qui mieux
conviendra à Leur service, afin qu’ainsi soient mieux gérées les terres que
Notre-Seigneur permettra à Don Cristobal de trouver et de conquérir au service
de Vos Altesses.
Leonardo de Esbarraya pouffa de rire :
— Je vais aller quérir à la taverne quelques pichets de
vin si, du moins, l’amiral daigne boire en la compagnie de ses anciens amis.
Quand je te bottais les fesses à Mocònesi, du temps de notre enfance, je ne
savais point que je manquais de la sorte de respect au cul d’un vice-roi. Te
souviens-tu que tu te faisais appeler le duc du Mont Thabor ? C’était un
jeu. Te voilà désormais plus qu’un duc, vice-roi, ce n’est pas rien !
Jacob de Torres renchérit :
— N’oublie pas de gonfler un peu les chiffres de la
somme que ce coquin te doit pour les onguents et baumes que tu lui fournis
généreusement. Tu as en face de toi un fameux richard, à preuve ce qui est
prévu sur le plan financier. Écoute un peu : Que pour toutes et
n’importe quelles marchandises, que ce soient perles, pierres précieuses, or,
argent, épices ou autres choses et marchandises ; quels que soient leur
espèce, nombre et qualité, qui se puissent acheter, trouver, conquérir et
procurer dans les limites de ladite amirauté, dès à présent Vos Altesses
accordent la grâce audit Don Cristobal qu’Elles veuillent qu’il ait et prélève
pour lui la dixième partie de tout cela, déduction faite de toute dépense
afférente, en sorte que, du solde net et libre, il ait et touche la dixième
partie pour lui-même et en fasse à sa volonté, les neuf autres parties restant
à Vos Altesses.
L’apothicaire s’était assis pour mieux rire de tout son
saoul.
— Non seulement je vais gonfler ma note mais je vais
confier à ce bon Cristobal quelques-uns de mes pots pour qu’il les vende un bon
prix à ce Grand Khan dont il nous a tant rebattu les oreilles.
Jacob de Torres lui répliqua :
— Le futur Chrétien que je serai sous peu t’affirme que
tu es aussi cupide qu’un Juif. Tu n’as pas tort d’ailleurs. Notre ami peut
commercer à sa guise. J’ai fait en sorte que cela soit bel et bien
spécifié :
— Que tous navires qui seront armés aux fins de tels
commerce et négoce, pour chacun d’eux, à chacune et autant de fois qu’ils
seront armés, ledit Cristobal Colon puisse, s’il le veut, contribuer et payer
la huitième partie de toute la dépense dudit armement et aussi qu’il puisse
avoir et percevoir la huitième partie du bénéfice produit par de tels
affrètements.
Dans l’échoppe de l’apothicaire régnait une atmosphère de fête.
Les rares clients à s’y aventurer se voyaient poliment éconduits. Leurs
furoncles et boutons attendraient un peu. Tous trinquaient joyeusement,
échangeant force plaisanteries et bourrades, esquissant des révérences et se
décernant les titres les plus ronflants. Nul n’avait remarqué que le héros du
jour se tenait dans un coin, la tête entre ses mains, pleurant de chaudes
larmes. Il touchait enfin au but, après des années d’errance, de doutes,
d’incertitudes et d’échecs. Entre deux sanglots, il murmurait : « Don
Cristobal, amiral des mers Océanes, Don Cristobal, amiral des mers
Océanes », comme s’il voulait d’ores et déjà s’habituer à ce qualificatif.
Pour sûr, il n’hésiterait pas un seul instant quand, à l’avenir, l’un
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