Christophe Colomb : le voyageur de l'infini
pourrons obtenir.
Veille donc à ce qu’il obtienne les titres et privilèges
qu’il réclame pour lui et les siens. Tu prendras soin de te faire prier et de
refuser, tant que cela sera nécessaire, que lui soit octroyée la dignité
d’amiral de la mer Océane. Plus il la verra s’éloigner, plus il brûlera de
l’obtenir et sa vanité lui fera perdre de vue les autres dispositions de
l’accord.
Je suis ton serviteur,
Luis de Santangel.
*
Le 19 mars de l’an de grâce
1492
De Martin Pinzon, armateur à
Palos, à
Francisco Pinello, trésorier de
la Santa Hermandad
Je te remercie des lettres de recommandation que tu m’as remises
pour tes compatriotes génois établis en Castille et en Aragon.
Grâce à elles, mon protecteur, le comte Luis de La Cerda,
comte de Medina Celi, a obtenu les 250 000 maravédis dont il avait besoin
pour avancer ladite somme à Cristobal Colon qui se trouve désormais être notre
obligé.
Toi et Luis de Santangel avez bien voulu faire l’avance,
sur les réserves de votre confrérie, de 1 400 000 maravédis, un
complément de 350 000 maravédis étant fourni à part égales par le roi
Ferdinand et par l’un des vôtres, Juanoto Berardi.
Je te dois mille grâces de ces bons services et de la
peine que tu as prise de me faire communiquer par les Centurione de Gênes un
document se trouvant dans les archives du Vatican et relatant le voyage d’un
navigateur à Cypango.
Je sais que tu es très proche de Federigo Centurione
puisque vos familles ont acheté et partagent un même palais à Gênes. Il n’en
demeure pas moins que ce document m’a été bien utile pour venir à bout de
curieux scrupules de la part de Don Cristobal.
Alors que les Capitulations lui confiant cette mission
ont été rendues publiques le 17 avril dernier, il n’a toujours pas daigné
répondre à mes multiples demandes ni cherché à se procurer les navires dont
nous avons besoin.
J’ai décidé d’avoir une explication avec lui et l’ai
convoqué à Palos.
Je suis ton obligé,
Martin Alonso
Pinzon.
*
Le 2 août de l’an de grâce
1492
De Cristoforo à son frère
Bartolomeo
Le messager que je t’ai envoyé t’a appris que les Rois
Catholiques m’ont confié la mission de partir, avec trois caravelles, sur la
mer Océane pour gagner Cypango et, de là, la cour du Grand Khan.
Ils m’ont accordé la charge d’amiral et de vice-roi des
terres que je soumettrai. Notre fortune est enfin faite et je te demande de
quitter, dès que tu le pourras, la France pour te rendre à Cordoue veiller à
nos intérêts.
Dans quelques heures, avec mes vaillants marins, je me
rendrai entendre la sainte messe et recevoir la communion à l’église
Saint-Georges de Palos avant de m’embarquer.
Je t’écris pour te faire mes ultimes recommandations et
te communiquer certaines choses d’importance.
Tout d’abord, je te demande de prendre soin de mes deux
fils, tes neveux, Diego et Ferdinand, ainsi que de ma compagne, Dona Beatriz.
Je n’ai pu l’épouser, du moins ne l’a-t-elle jamais voulu, mais je lui suis
redevable de m’avoir toujours soutenu durant ces années d’épreuves et
d’attente. Veille à ce qu’ils ne manquent de rien et qu’ils n’aient pas à
rougir de leur nom.
J’ai confié à Dona Beatriz, qui les a mis en lieu sûr, un
récit de ma vie ainsi que différents documents qui pourront t’aider, si
nécessaire, à faire valoir mes droits et ceux de mes héritiers.
Je te supplie d’en prendre connaissance dès ton arrivée à
Cordoue et d’en faire un sage usage, sans précipitation ou imprudence.
Au moment où mon rêve est sur le point de se réaliser, je
t’avoue être taraudé par un doute mortel et par la crainte d’être le jouet
d’une mauvaise farce.
J’en viens à me demander s’il fut réellement sage
d’accepter la proposition de Federigo Centurione de me rendre, avec toi, à
Lisbonne pour y recueillir des informations sur les entreprises maritimes des
Portugais.
Les Centurione se sont servis de nous avant de nous
rejeter, nous condamnant à ne pouvoir retourner à Gênes.
Ils sont cependant mille fois moins coupables et
cauteleux que José Vizinho et sa clique, ces hommes de Sagres qui nous
faisaient jadis si peur et se révèlent n’être que de vils intrigants.
Je sais qu’ils sont toujours animés par la même idée,
gagner l’Inde en contournant l’Afrique, et que la proximité d’un succès
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