Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
Vom Netzwerk:
aîné, de lui raconter sa semaine de dur labeur et de répondre à ses
questions : « Ton patron est-il content ? À quoi
t’emploie-t-il ? Qui lui a rendu visite ? » Le cadet appréciait
peu d’avoir à se justifier devant ce frère si différent du compagnon de jeux de
son enfance à Mocònesi. Il se souciait fort peu de savoir si lui, Bartolomeo,
était heureux ou malheureux ou s’il n’aurait pas préféré repartir à Savone.
    Un temps même, le garçon avait cru que les mystérieux
espions qui le suivaient étaient en fait des hommes à la solde de son frère,
chargés de lui rapporter ses fautes éventuelles. Pourtant, il en était
persuadé, personne n’était au courant des faveurs que lui prodiguait Maria, une
jeune esclave au service de l’épouse de mestre Estevao.
    Bartolomeo n’avait pas hésité un seul instant quand il
s’était retrouvé seul avec Maria dans le cellier où leurs maîtres les avaient
envoyés chercher l’un de l’encre, l’autre du vin. En proie à un désir fou, il
avait renversé la jeune esclave et l’avait pénétrée à la hâte. Elle s’était
laissée faire, habituée sans doute à ce que les apprentis l’utilisent pour
assouvir leurs désirs. Pourtant, il lui avait semblé qu’avec lui elle se
comportait autrement. Elle multipliait les occasions de le rencontrer et épiait
ses rares instants de liberté.
    Tôt ou tard Bartolomeo s’était juré de parler d’elle à
Cristoforo. Dans l’immédiat, il avait autre chose à lui raconter, à commencer
par la visite à la boutique de mestre José Judéu Vizinho, le médecin du prince
héritier, accompagné de plusieurs capitaines, Fernao Gomes, Joao de Santarem et
Pero Escobar. Ils avaient discuté de longues heures durant avec mestre Estevao,
loin des oreilles indiscrètes.
    Après leur départ, le cartographe avait fait venir
Bartolomeo et lui avait remis, en lui faisant jurer le plus grand secret,
l’esquisse, grossièrement dessinée, d’une baie. Il lui avait demandé d’en faire
plusieurs copies et de prévoir une place suffisante pour de longues légendes.
Voilà tout ce que savait Bartolomeo. Car mestre Estevao avait repris les
documents en question.
    Quelques jours plus tard, ainsi qu’il le raconta à son
frère, son sang s’était glacé d’effroi quand des agents du Desembargo do Paço,
le Grand Tribunal, avaient envahi l’atelier, confisquant les portulans sur
lesquels les apprentis s’échinaient, et comparant leurs écritures avec celle
d’un document soigneusement dissimulé à leur regard. Ils avaient longuement
hoché la tête avant de faire signe à un garde. Sa main gantée de fer avait
saisi à l’épaule Martim, le fils d’un maître charpentier renommé. C’était un
garçon timide, au visage couvert de taches de son. Il s’était laissé emmener
sans esquisser la moindre résistance, comme s’il était écrasé par le poids de
sa faute.
    Quelques jours plus tard, tête nue et à genoux, les autres
apprentis avaient assisté à son supplice près de la porte de la Ribeira. Le
malheureux avait eu les deux poignets tranchés avant d’être pendu haut et
court. Son corps resterait exposé plusieurs semaines, pour la plus grande joie
des mouettes ravies d’un tel festin. Prostrés de terreur, ses anciens
compagnons avaient contemplé cette exécution tandis qu’un moine, à la robe
luisante de graisse, les exhortait à méditer cet exemple. Quiconque trahissait
son souverain en livrant à des étrangers certains secrets le payait de sa vie.
Rien n’échappait à la Couronne et à la nuée d’informateurs qu’elle entretenait
dans toutes les couches de la société, prêts à dénoncer père et mère pour
empocher quelques cruzados.
    Au retour de cette macabre cérémonie, mestre Estevao avait
fait venir Bartolomeo dans l’arrière-boutique :
    — J’ai bien craint que tu n’aies été mêlé à cette
regrettable affaire. Fort heureusement, Martim a avoué qu’il avait agi seul, mû
par l’appât du gain et par l’esprit de débauche. Cet imbécile a cru qu’il
pouvait vendre un bon prix à un prétendu négociant flamand les plans d’un
comptoir que le roi veut faire édifier sur la côte de Guinée. Avec ses trente
deniers, cet ignoble Judas pensait s’enfuir accompagné de cette bougresse de
Maria qui lui a tourné la tête en lui assurant qu’elle était folle de lui. Il
ignorait que son acheteur était au service des frères de Sagres. Retiens bien
ce

Weitere Kostenlose Bücher