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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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« pirogue »
dans la langue des indigènes, des hommes aussi noirs que le charbon de bois.
Ils trafiquaient depuis longtemps avec les Maures, leur échangeant de l’or, de
l’ivoire et des captifs contre des étoffes et des barres de sel. Ils avaient
réservé un bon accueil aux Portugais et, surtout, à leurs marchandises :
des couvertures de mauvaise laine, de petits miroirs, des perles multicolores
et les chevaux dont ils raffolaient. Ils étaient prêts à donner de quinze à
vingt captifs en échange d’une seule monture.
    Deux autres navigateurs, le Vénitien Alvire Cadomosto et le
Génois Antonietto Usidamare, passés au service du Portugal et associés avec un
certain Diego Gomes, s’étaient aventurés sur les traces de Nuno Tristao. Ils
avaient découvert l’embouchure d’un autre fleuve qu’ils avaient remonté sur
plusieurs milles, s’enfonçant dans une végétation luxuriante. Ils avaient été
contraints de rebrousser chemin après avoir été attaqués, au matin du troisième
jour, par des pirogues chargées de guerriers nus.
    Ils étaient revenus l’année suivante avec de nouveaux
bâtiments spécialement conçus pour naviguer sur la mer Océane, des caravelles
ainsi qu’on les nommait pour les distinguer des barcas et des naus, les
nefs traditionnelles. D’après ce qu’avait appris Bartolomeo, ils avaient été
reçus par un roi, aussi nu qu’un ver, à l’exception d’un pagne de feuilles
ceignant ses reins. Son palais était une hutte de branchages et ses conseillers
deux Maures édentés, aussi rusés que cupides, dont l’un prétendait avoir vécu à
Grenade. Pour cette fois, les Portugais avaient dû en passer par ces Maures
pour leurs transactions. Ils avaient acheté des esclaves, se promettant
d’apprendre à certains le portugais afin qu’ils puissent à l’avenir leur servir
de truchements.
    Lors du voyage de retour, Diego Gomes, porté par les vents,
avait dérivé en direction de l’ouest et atteint un chapelet d’îles désertes
qu’il avait baptisées Sal, Boa Vista, Sao Vicente et Santiago, terres dont
Usidamare était devenu par faveur royale l’un des capitaines-donataires. Libéré
de ses soucis d’argent et propriétaire de vastes domaines, l’habile Génois
s’était lancé dans la culture du sucre et des légumes qu’il vendait un bon prix
aux navires faisant escale à Sao Vicente ou à Boa Vista. Pour exploiter ses
terres, il avait été chercher des dizaines d’esclaves auprès du vieux roi de la
rivière dont les guerriers traquaient, très loin de la forêt, un pitoyable
gibier humain pour le vendre aux Blancs.
    Usidamare n’était pas le seul à agir de la sorte. La demande
de main-d’œuvre servile n’avait pas cessé de croître. Le Portugal avait besoin
de centaines, de milliers de bras pour produire le vin et le sucre de Madère et
des Açores, et pour creuser, à flanc de montagne, les levadas, les
canaux d’irrigation.
    Telle une fontaine généreuse, la mer Océane déversait sur
les quais de Lagos et de Lisbonne des cargaisons entières d’esclaves échappés
des entrailles de la zone torride. Chacun y trouvait son compte, à commencer
par l’Église qui se réjouissait de voir autant d’âmes accéder à la connaissance
de la vraie foi.
    Comme l’expliqua mestre Estevao à Bartolomeo, depuis
quelques mois la Couronne avait ordonné que le plus grand silence soit observé
à propos de ces voyages de découverte. Nul ne devait savoir d’où provenait
exactement la malaguette, ces graines de poivre meilleur marché que celles
venues d’Orient et qui étaient expédiées vers Bruges ou Bristol.
     
    À l’initiative, disait-on, des frères de Sagres, un climat
de suspicion généralisée s’était abattu sur le pays. Les capitaines avaient
reçu des consignes très strictes concernant l’embauche des équipages. Malheur
aux matelots qui avaient navigué sur des navires castillans, aragonais,
provençaux ou génois, et qui se trouvaient de passage au Portugal. Par crainte
de les voir livrer des renseignements sur les terres récemment découvertes, il
leur était interdit de s’embarquer pour la mystérieuse Guinée. La rage au cœur,
ils maudissaient les véritables responsables de leurs malheurs, ces quelques
marins à la langue trop bien pendue qui avaient guidé des capitaines étrangers
à la suite des caravelles. À plusieurs reprises, des navires flamands, français
et anglais avaient été capturés au large des

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