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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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viendrait tantôt prendre
livraison de la marchandise.
    Cristovao aimait bien le vieil homme. Celui-ci n’avait pas
cherché à se renseigner sur lui quand il lui avait demandé s’il connaissait un
logement bon marché à louer. Il s’était adressé au premier venu croisé sur le
quai de Lisbonne où il venait d’arriver. Ali lui avait souri et proposé le
logis laissé libre par la mort de son fils et de sa femme, deux pièces meublées
d’un lit, d’une table, de bancs et de deux coffres. La maison disposait d’un
puits, un luxe appréciable dans une ville où les points d’eau étaient plutôt
rares. Afin de pourvoir à sa nourriture et à l’entretien de sa maison,
Cristovao, comme tous les Lisboètes, du plus humble au plus grand, avait fait
l’acquisition d’un esclave africain.
    Accompagné de son logeur, il s’était rendu place du Vieux
Pilori. C’était là qu’étaient acheminés les captifs qui n’avaient pas trouvé
preneur dès leur enregistrement à la douane des Sept Maisons. Vêtus de haillons,
portant au cou une pancarte annonçant leur prix, les malheureux se tenaient
accroupis, tête baissée, sautillant comme des canards pour éviter les coups de
fouet généreusement distribués par leurs gardiens.
    Cristovao avait remarqué l’un d’entre eux, un adolescent
d’une quinzaine d’années, affligé d’un bec-de-lièvre et d’une légère
claudication. Il se tenait un peu à l’écart comme s’il prêtait une médiocre
attention à la mise aux enchères de ses semblables. Avec résignation mais sans
complaisance, il s’était laissé palper comme on tâte une étoffe pour en
éprouver le drapé et la qualité. Il paraissait robuste et en bonne santé. Ali
s’était entremis pour marchander avec le vendeur. Le potier avait examiné le captif
d’un air dégoûté, s’exclamant que son bec-de-lièvre était la moindre de ses
infirmités. Ses commentaires gouailleurs avaient fait fuir les autres acheteurs
si bien que le marchand préféra se débarrasser rapidement de ces clients
importuns. Il empocha la somme proposée par Ali et ordonna qu’on détache le
captif qui suivit son nouveau maître en claudiquant de manière exagérée jusqu’à
ce qu’ils aient quitté la place du Vieux Pilori. Alors et alors seulement il
marcha d’un pas plus assuré. Cristovao ne put s’empêcher de rire aux éclats.
Visiblement, le coquin avait plus d’un tour dans son sac. C’était même
peut-être pour se débarrasser de lui que ses anciens propriétaires l’avaient
vendu aux Portugais en le dissimulant au milieu d’un lot de prisonniers dépourvus
d’infirmités.
    Cristovao le baptisa Paolo, le premier nom qui lui était
venu en tête. En quelques semaines, les deux hommes apprirent à communiquer
dans un curieux jargon, un mélange de dialecte génois et de portugais,
agrémenté de quelques mots arabes. Le maître ne savait pas trop ce à quoi son
serviteur employait ses journées une fois qu’il était parti vaquer à ses
affaires en ville. Le soir, toutefois, il trouvait un repas préparé avec soin
et une maison en ordre. C’était plus qu’il n’en demandait.
    Il avait fait baptiser Paolo à la cathédrale. Le garçon
avait ri quand le prêtre l’avait aspergé d’eau. Pour lui, c’était un jeu et il
s’y était prêté de bonne grâce. Ali n’avait pas raté l’occasion de taquiner à
ce sujet son locataire :
    — Ton Paolo n’est pas plus chrétien que moi. C’est un
abominable païen qui continue à adorer ses idoles. Certains soirs, il retrouve
d’autres captifs pour d’étranges cérémonies durant lesquelles ils font résonner
leurs tambours. Nul n’ose leur faire de remontrances car, dans le quartier où
ils se réunissent, ils sont plus nombreux que les Chrétiens et les Maures.
    Cristovao avait haussé les épaules. Il se souciait fort peu
de savoir si son esclave était ou non un modèle de piété. Il trouvait même
assez singulier qu’un Maure s’érigeât en gardien des bonnes mœurs. Décidément,
Lisbonne était une ville bien curieuse. Elle n’avait rien à voir avec Gênes, sa
patrie, coincée entre la montagne et la mer, qui se claquemurait chaque soir
derrière ses remparts et refusait d’accueillir les étrangers. Rien non plus à
voir avec Chio, un gros village dont les tavernes sordides étaient fréquentées
par une foule bigarrée : Génois, Grecs, Turcs, Juifs et Vénitiens, tous
plus malhonnêtes et fripons les uns que les

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