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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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n’attirait pas le regard à
prime abord. Néanmoins, vive, malicieuse, elle jouait de son insignifiance comme
d’un atout et s’attirait de la sorte l’indulgence de ses interlocuteurs. Elle
ne lui tint pas rigueur du peu de renseignements qu’il lui fournit sur
Plaisance, la ville d’où venait son père, le découvreur de Porto Santo. Frère
Juliao avait raison, il s’agissait d’une lubie passagère et Cristovao en eut la
certitude quand elle commença à l’interroger sur les Lisboètes et sur leurs
défauts qu’il lui détailla avec férocité.
    Quand ils se séparèrent, il constata qu’il s’était laissé
extorquer une autre rencontre et qu’elle avait si bien manœuvré que c’était lui
qui l’avait en fait sollicitée, sous le fallacieux prétexte de lui en dire un
peu plus sur Plaisance après avoir consulté mestre Estevao. Décidément, cette
damoiselle était redoutable et, de fait, sa pensée ne quitta pas son esprit
jusqu’à leurs retrouvailles.
    Ce jour-là, il eut la surprise de la voir arriver en
compagnie d’Eleazar Latam, nullement gêné de se trouver dans un monastère. Il
salua fort aimablement son commis :
    — Ne vous méprenez pas sur les raisons de ma présence
ici. L’ordre de Saint-Jacques est assez avisé pour confier l’administration de
ses biens matériels à un Infidèle. Je ne m’en plains pas et lui non plus.
J’avais rendez-vous avec le prieur pour discuter avec lui de certains détails.
En route, j’ai croisé Dona Felippa, dont la mère m’honore de sa confiance. Elle
m’a appris qu’elle avait rendez-vous avec un pilote génois. Je me suis dit que,
de la sorte, j’allais pouvoir embaucher un homme qui pourrait voyager avec un
Génois de ma connaissance. Bon, n’en parlons plus ! N’oubliez pas que nous
devons nous revoir sous peu pour discuter de votre prochain départ.
    Cristovao sentit confusément que Dona Felippa paraissait
fâchée de cette nouvelle. Il en conçut un certain plaisir. Ainsi, quelqu’un se
souciait de lui. Or il n’avait jamais été désiré ou regretté. Les gens
s’accommodaient de sa présence, sans plus. Il expliqua à Dona Felippa qu’il
devait surveiller l’acheminement d’une cargaison de draps et de sel pour Madère
et qu’il reviendrait sans doute à l’automne. Il était marin et passait de
longues semaines, voire de longs mois, en mer. Elle sourit d’un air entendu et
lui fit promettre qu’il la reverrait à son retour.
    Il n’eut pas à se parjurer. Quelques jours plus tard,
Eleazar le convoqua pour l’informer d’un changement de ses plans. Ses
protecteurs à la cour – il s’abstint de mentionner qu’il s’agissait de son
lointain parent José Vizinho – lui avaient permis d’obtenir un privilège
très recherché : celui de construire un entrepôt à Porto Santo, entrepôt
permettant de ravitailler en produits frais les flottes en partance pour la
côte de Guinée. Eleazar avait songé à Cristovao pour surveiller la construction
de cet établissement et en assurer la gestion. Certes, il ne naviguerait plus
mais serait associé aux bénéfices, du moins s’il acceptait cette charge lourde
de responsabilités. Ce n’était pas en effet une mince affaire que de satisfaire
les exigences de la Couronne, même si le frère de Dona Felippa Perestrello y
Moniz vivait sur place. Il ne lui créerait aucune difficulté. Il était trop
malade pour vérifier la qualité des marchandises et passer au crible les
registres de comptes qui lui seraient soumis. Si Cristovao acceptait cette
mission, pour laquelle il avait toutes les compétences requises, sa fortune
était faite.
    Le jeune homme eut de prime abord l’impression qu’on se
jouait de lui. Comme il l’avait fait avec le voyage à Thilé, Eleazar disposait
de lui comme s’il avait été son esclave, profitant honteusement de la précarité
de sa position. Il n’était pas en mesure de refuser cette
« invitation ». S’il avait l’audace de le faire, il lui faudrait
abandonner tout espoir de pouvoir rester à Lisbonne. Car Eleazar se vengerait
en utilisant ses relations. Il ne trouverait plus d’engagement et deviendrait
bien vite un paria. Il perdrait de la sorte le bénéfice de ces longs mois
d’efforts durant lesquels il avait patiemment tenté de se faire une place sur
les quais lisboètes, et de s’introduire auprès des armateurs et des négociants
les plus en vue. Mais accepter, c’était se condamner à un exil, certes

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