Christophe Colomb : le voyageur de l'infini
doré,
dans une île lointaine, à des centaines de kilomètres de Lisbonne et de la
cour.
Quand il en parla avec Bartolomeo, ce dernier, pour une
fois, se départit de sa réserve :
— Comme toujours, tu oublies l’essentiel tant tu es
pressé de parvenir à tes fins. Tu crois qu’une fois à Santo Porto tu seras loin
de tout. C’est exactement le contraire qui se passera. Quel meilleur poste
d’observation que ce port pour te renseigner sur les expéditions des Portugais
sur la côte de Guinée ! Les frères de Sagres ne seront pas là pour te
surveiller et il te sera facile de deviner qui est à leur service. D’après
mestre Estevao, l’île ne compte que quelques dizaines d’habitants dont tu auras
vite fait la connaissance. À ton poste, il te sera possible de soudoyer, à
l’aller comme au retour, quelques marins. Tu n’auras peut-être même pas besoin
de le faire. Ouvre une taverne ! Il te suffira d’écouter les conversations
de ces soiffards pour faire pleine moisson de renseignements. Non, crois-moi,
tu aurais bien tort de laisser passer une telle occasion.
Cristovao suivit ce conseil et annonça à Eleazar qu’il
acceptait sa proposition. Ce dernier sourit d’un air entendu :
— Votre mission commence bien. J’ai omis de vous le dire
mais, à l’aller, vous devrez veiller sur deux passagères de choix. Dona Felippa
et sa mère regagnent Porto Santo après plusieurs mois passés à Lisbonne. Vous
aurez soin de leur réserver la meilleure cabine du pont arrière et de vous
assurer qu’elles, et leurs servantes, ne soient pas importunées par les
matelots. J’y attache beaucoup d’importance car leur père m’a jadis confié le
soin d’administrer leurs biens. Même si elles sont peu fortunées, elles
appartiennent à une famille illustre dont je dois ménager les intérêts.
*
Le 2 mars de l’an de grâce
1477
Mon cousin,
J’ai fait diligence pour rassembler ce chargement de
fourrures d’excellente qualité, dont je ne doute pas que tu tireras un bon
prix.
Je suppose qu’elles arriveront à bon port car je les ai
confiées à ton commis dont j’ai fort goûté la compagnie. Ce jeune homme est
fort bon travailleur, et dévoré par l’envie de bien faire.
J’ai été un peu surpris de tes requêtes mais je me suis
conformé à tes instructions, sachant que je dois à ta bienveillance d’avoir pu
conserver un emploi après que j’eus décidé de me faire chrétien.
J’ignorais que tu avais chargé mon commis de se
renseigner sur mes lectures et qu’il t’avait informé de l’intérêt tout particulier
que je porte à Messer Millione dont les écrits sont malheureusement trop peu
connus.
Je ne sais trop pourquoi tu as souhaité que j’en parle à
ton Génois et que j’éveille sa curiosité à ce sujet. Je l’ai fait et je puis
t’assurer qu’il a mordu à l’hameçon, non sans quelques réticences initiales. Je
suis persuadé qu’il n’aura de cesse de penser à Cypango.
Donne-moi de temps à autre de ses nouvelles. Je me suis
pris d’affection pour lui et m’en veux presque de lui avoir joué la comédie,
même s’il ne s’en est pas aperçu. N’oublie pas de dire à ma mère que je pense à
elle et que je demeure, en dépit de tout, son fils affectionné,
Joao de Coïmbra.
*
Le 2 juillet de l’an de
grâce 1477
Au frère Juliao, portier du
monastère de
Tous les Saints de l’ordre de
Saint-Jacques
Nous avons bien reçu la supplique par laquelle tu
demandes que te soient restitués les biens de ta famille confisqués par le
Trésor royal en punition de sa trahison.
Je te confirme que cette demande sera étudiée de près par
la chancellerie et que celle-ci prendra en considération tes mérites et ton
dévouement.
Sache d’ores et déjà que tu peux nous en fournir une
nouvelle preuve en facilitant la rencontre de Dona Isabel Perestrello y Moniz
avec un protégé du prince héritier dont l’un de mes secrétaires te communiquera
de vive voix le nom.
Fais en sorte de garder le plus grand secret sur cette
affaire.
Joao de Vasco.
*
À mestre Estevao Repagno
Je te remercie des informations que tu m’as rapportées
s’agissant de ta conversation avec mon commis. Le malheureux s’ennuie fort ici
depuis qu’il ne navigue plus et je ne sais trop qui lui a parlé de Cypango et
lui a fourré dans la tête ces élucubrations. Je sais que tu emploies son frère.
Il me serait agréable que
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