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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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Funchal.
Jusque-là, ses voisins lui battaient froid, le tenant pour un étranger de la
plus basse extraction. Désormais, ils le saluaient amicalement, convaincus
qu’il entretenait les meilleurs rapports avec le marié, l’un de ses
compatriotes, qu’on savait être un protégé du prince héritier.
    Esmeraldo profitait de la situation. Il faisait mine de
tenir le rôle qu’on voulait lui faire endosser. Tous ces hypocrites chafouins,
ricanait-il, en seraient pour leurs frais. Car, ainsi qu’il en avait fait
l’expérience, le fiancé n’était pas homme à céder à la flatterie ou à aider
quelqu’un sous prétexte qu’il était originaire de la même ville que lui. Ce
maudit drôle ne songeait qu’à ses intérêts et à ceux de son patron, un
négociant juif de Lisbonne, et paraissait même ne pas goûter immodérément qu’on
lui rappelât ses origines. Son compatriote avait même constaté qu’il lui avait
toujours caché son patronyme exact, se contentant de se faire appeler messer
Cristovao ou Cristoforo comme si cela suffisait amplement.
    Giovanni Esmeraldo se souvenait encore des lazzis qu’avait
suscités l’arrivée du nouveau venu. Que n’avait-on dit de cet imbécile qui,
plutôt que de tenter sa chance à Madère, s’était mis en tête d’établir un
comptoir à Porto Santo, cette île quasi déserte dont on pouvait faire le tour
en une demi-journée de cheval ? Nul ne voulait y vivre, c’était bien
connu. Le pauvre ne tarderait pas à le constater et se repentirait amèrement
d’avoir cru à des fadaises.
    Quelques jours plus tard, tout Funchal avait poussé un cri
d’horreur et d’indignation. Ce forban était parti pour son île, cette chiure du
diable, en embarquant à son bord les carriers, les tailleurs de pierre et les
maçons de la ville auxquels il avait promis de doubler leurs salaires. Ces
misérables avaient abandonné les chantiers en cours et les belles demeures que
se faisaient construire les riches locaux étaient réduites à l’état de
carcasses désolées battues par les vents.
    Le premier moment de stupeur passé, et après avoir délibéré
entre eux pendant plusieurs semaines, ils avaient envoyé à Porto Santo l’un des
leurs, Joao Pereira, un personnage haut en couleur. C’était le curé de Funchal,
une fonction qu’il jugeait notoirement inférieure à ses compétences. Il rêvait
d’en être l’évêque et pestait contre les prélats de Lisbonne qui se refusaient
à ériger l’île en évêché. Il était à ce point convaincu d’obtenir un jour
satisfaction qu’il avait entrepris de construire le futur palais épiscopal.
Sans débourser le moindre liard. L’argent lui avait été fourni par Dona Beatriz
Porto, une richissime veuve qui était sa maîtresse depuis trente ans et qui lui
avait donné un fils.
    Il s’était laissé persuader par certains de ses paroissiens
que l’arrêt des travaux signifiait la fin de ses espoirs de mitre. Sitôt
débarqué, il s’était précipité chez Bartolomeo Perestrello afin de le menacer
de mettre en interdit l’île s’il n’obtenait pas satisfaction. Il avait trouvé
porte close. Un domestique, fort comme un bœuf, lui avait signifié que le
capitaine-donataire était au plus mal. Son médecin – titre ronflant que se
donnait son barbier – avait interdit à quiconque l’accès de ses
appartements. L’homme avait roulé les épaules comme pour bien faire comprendre
qu’il n’hésiterait pas à repousser tout intrus par la force.
    Joao Pereira avait prudemment tourné les talons. En
regagnant son navire, il avait croisé le responsable de ses malheurs, ce maudit
Génois assez insolent pour contrarier les desseins du Seigneur. Loin de perdre
contenance, le misérable l’avait aimablement invité à venir se reposer chez
lui. Là, dans ce qu’il appelait son antre, une pièce dont les tables étaient
couvertes de lourds registres, il lui avait expliqué, sourire aux lèvres, qu’il
n’avait pu agir autrement. Le prince héritier Don Joao avait donné des ordres
pour que la prochaine flotte en partance pour la Guinée se ravitaille à Porto
Santo. Qui pouvait s’opposer à pareille volonté ? Chacun savait qu’il
punissait sévèrement ceux qui lui faisaient obstacle. Fort heureusement, avait
ajouté le Génois, tout cela ne serait bientôt plus qu’un mauvais souvenir. Le
comptoir était sur le point d’être achevé et les ouvriers pourraient regagner
leurs anciens chantiers.

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