Christophe Colomb : le voyageur de l'infini
tu confies à celui-ci le soin de faire une carte de
Porto Santo et que tu lui vantes les mérites de cette île. Ne cherche pas à
t’enquérir de mes raisons, sache seulement qu’elles tiennent à cœur à mes amis
dont tu as pu éprouver dans le passé la générosité.
Eleazar Latam.
*
Le 20 juillet de l’an de
grâce 1477
À messire Bartolomeo Perestrello
y Moniz,
capitaine-donataire de l’île de
Porto Santo.
Sachez que, dans sa très grande bonté, notre illustre
maître Dom Joao, prince héritier du Portugal, a accordé au négociant Eleazar
Latam, Juif de nation, l’autorisation de faire construire un entrepôt dans
votre île pour servir au ravitaillement de ses navires.
Je n’ai pas besoin de vous souligner que Son Altesse royale
compte sur votre diligence et votre entière coopération. Ne ménagez aucun
effort pour assurer le succès de cette entreprise.
Joao de Santarem.
*
Le 22 juillet de l’an de
grâce 1477
À l’illustre et très respecté
Federigo Centurione
J’ai enfin l’occasion de vous faire passer par un marin
de ma connaissance ce mot, que je préfère par prudence ne pas signer, et de
vous donner enfin de mes nouvelles.
Sachez que mes démarches ne sont pas demeurées vaines et
que je pourrai, sous peu, vous fournir de plus amples renseignements sur les
expéditions en préparation, puisés aux meilleures sources. J’ai réussi à donner
le change et à abuser tous ceux qui ont recours à mes services. Cela n’a pas
été sans mal et j’ai dû redoubler de prudence afin de n’être pas démasqué.
Méfiez-vous de ce que pourrait vous dire votre cousin.
C’est, à ce que l’on m’a dit, l’homme le plus naïf et le
plus crédule au monde, que les gens d’ici bernent à loisir.
Je suis votre respectueux serviteur.
*
Le 14 août de l’an de grâce 1477
À mon cousin Federigo Centurione
J’ai d’excellentes nouvelles à te donner. D’après ce que
m’a appris l’un de ses capitaines, que je paye grassement, le Juif Eleazar,
l’un de nos plus redoutables concurrents, aurait perdu dans un naufrage
plusieurs navires qu’il envoyait à Madère. J’ai tenté d’en savoir plus mais le
coquin est enfermé dans son quartier avec les siens, sous prétexte de pleurer
la destruction de leur temple. C’est là sa dernière trouvaille pour dissimuler
aux yeux de tous sa ruine et celle de sa nation. J’ai voulu t’en avertir
immédiatement et te dire que nous n’aurons plus à nous plaindre des envois
qu’il faisait vers la Flandre.
Antonio de Noli.
*
Le 30 octobre 1477
Du vicomte de Hébron au duc du
Mont Thabor
Ton père m’a fourni ton adresse et je m’étonne de ton
long silence ainsi que de l’arrêt de tes envois d’argent. Sache que les sommes
que tu m’as confiées ont été placées à la banque Saint-Georges pour la cause
que tu connais et à laquelle je demeure attaché contrairement à toi. Ton
silence me navre.
Je demeure ton ami,
Michele da Cuneo.
4
Le bâton de Porto Santo
Derrière l’auberge de la Truie qui file, deux bœufs et une
dizaine de moutons avaient été mis à rôtir. Des gamins tournaient, riant
joyeusement autour des broches, humant la bonne odeur de graisse qui
chatouillait leurs narines. Un peu plus loin, des femmes pétrissaient la farine
pour confectionner des dizaines de miches de pain blanc. Les hommes
s’affairaient pour mettre en perce des tonneaux de vin et de bière cependant
que d’autres dressaient des tables avec de lourdes planches apportées depuis
l’entrepôt. Depuis la veille, les préparatifs de la noce tant attendue
battaient leur plein.
Au port, des navires débarquaient les invités venus de
Funchal et de Camarra dos Lobos, les deux principaux bourgs de Madère. Faute de
maisons en nombre suffisant pour les loger, il avait fallu installer des tentes
où ils passaient le plus clair de leur temps à échanger des ragots. Les femmes
houspillaient leurs servantes, soucieuses de faire bonne figure lors de la
fête. Couchées nonchalamment sur des coussins, elles observaient de l’œil leurs
rivales, tentant de deviner les tenues et les bijoux que celles-ci porteraient
le lendemain. Chacune voulait éblouir les autres et plus d’un mari se voyait
reprocher, en termes peu aimables, son avarice.
Ces querelles, dont il percevait les échos assourdis,
amusaient beaucoup Giovanni Esmeraldo, un négociant génois de
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