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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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de
connaissances. Réfléchissez-y.
     
    *
     
    Cristovao avait reçu d’Eleazar Latam une lettre curieuse.
Elle lui intimait l’ordre de se rendre à Funchal pour y acheter 2 000
arrobes de sucre pour le compte de deux marchands génois, Paolo de Negri et
Ludovigo Centurione. L’affaire, lui expliquait Eleazar, était complexe et c’est
pourquoi il lui demandait de s’en occuper en priorité en délaissant ses autres
activités. D’une part, ces marchands souhaitaient que la cargaison soit
acheminée directement de Madère à Gênes. D’autre part, la transaction devait
s’effectuer à crédit ou presque. Sur les 13 000 ducats d’or correspondant
au prix du sucre, seuls 1 000 seraient versés comptant aux vendeurs.
Eleazar Latam insistait fielleusement sur le fait que les noms des
commanditaires, parents des illustres Federigo et Felipe Centurione, constituaient
une garantie de solvabilité. À Cristovao de s’arranger pour exécuter ce
contrat.
    Il s’était embarqué pour Funchal, laissant sa femme à la
garde de sa sœur. D’étranges pensées l’occupaient. Assurément, les Centurione
semblaient avoir trouvé ce stratagème pour le faire venir à Gênes et apprendre
de sa bouche ce qu’ils voulaient savoir des entreprises maritimes du Portugal.
Il n’avait aucune raison de se dérober à cette invitation.
    Reste que l’affaire vira vite au cauchemar.
    À Madère, en dépit de l’aide que lui apporta son compatriote
Giovanni Esmeraldo, les propriétaires de plantations de cannes se refusèrent
obstinément à lui vendre à crédit le sucre. La demande était telle, et les
acheteurs au comptant si nombreux, qu’ils n’avaient aucun intérêt à attendre
des mois durant le paiement par les Centurione des sommes dues. Tout au plus
acceptaient-ils d’obliger Cristovao en lui vendant pour seulement 1 000
ducats de marchandises, ce qu’ils auraient refusé à d’autres négociants. Prévenu
de ces difficultés, Eleazar Latam lui ordonna de partir le plus rapidement
possible pour Gênes et de trouver un accommodement avec les Centurione.
    Cristovao fit ce qu’il savait faire le mieux. Il obéit. Il
s’embarqua lors des premiers jours de juillet, gagnant Gênes via Ceuta, les
Baléares et Marseille.
    À Ceuta, il fut surpris de constater l’état de délabrement
des fortifications et le désœuvrement des autorités. Un de ses compatriotes lui
expliqua que l’évêque et gouverneur de la ville, Diogo Ortiz de Vilhegas, y
séjournait très rarement, passant la plupart de son temps à Lisbonne. La solde
des militaires et des fonctionnaires n’avait pas été payée depuis des mois et
ils survivaient en pressurant les civils de toutes les manières imaginables.
Quant aux fermiers établis aux alentours, ils avaient été contraints d’évacuer
leurs domaines, personne ne les protégeant contre les attaques des pillards
maures. La cité était donc affamée, obligée d’acheter très cher le blé dont
elle avait besoin pour survivre. Cristovao se promit de signaler le fait à
Eleazar Latam afin qu’il intervînt auprès de ses amis à la cour.
    Il ne s’attarda guère aux Baléares et à Marseille. Il lui
tardait d’arriver à Gênes. Quand il aperçut au loin le phare de la Lanterne,
son cœur se serra. Il avait beau avoir quitté la ville depuis des années, il
éprouvait une émotion particulière à la retrouver inchangée, coincée entre la
mer et la montagne, toujours aussi besogneuse et industrieuse. Un sentiment de
réconfort l’envahit quand il entendit les jurons joyeux des portefaix qui
déchargeaient sa cargaison et la transportaient dans les entrepôts de Paolo de
Negri. Ils s’interpellaient, se moquant les uns des autres, heureux,
insouciants, entonnant parfois une chanson pour se donner du cœur à l’ouvrage.
    Cristovao n’avait pas prévu qu’il serait pris comme d’un
accès de vertige en retrouvant les rues de son enfance, grouillantes de vie.
Depuis qu’il habitait Porto Santo, il avait perdu l’habitude de la foule. À
Marseille, il avait prétexté une douleur à la jambe pour ne pas descendre à
terre, étourdi qu’il était par le vacarme du port et les cris des badauds.
Cette fois, il réalisait que son exil dans une île perdue au milieu de la mer
Océane avait fait de lui un ermite. Il se surprenait à sursauter quand les
cloches se mettaient à sonner à toute volée ou que les marchandes se moquaient
de sa démarche hésitante.
    À peine arrivé, il

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