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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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s’était rendu chez les Centurione pour
les informer qu’il n’avait pu acheminer qu’une partie des 2 000 arrobes de
sucre. Un domestique l’avait quasiment éconduit, lui expliquant que ses maîtres
se trouvaient à Florence et qu’il aurait à régler cette affaire avec Paolo de
Negri.
    Celui-ci s’était révélé être un partenaire peu commode. Il
avait poussé de hauts cris en apprenant qu’il n’aurait pas la quantité de sucre
commandée. À l’en croire, ce coquin de Juif et ses agents à Séville l’avaient
odieusement trompé. Ils avaient empoché son argent et avaient vendu à un autre
le sucre promis et payé. C’était du vol, purement et simplement, dont même un
Maure aurait rougi.
    Cristovao eut beau s’expliquer, raconter par le menu les
difficultés rencontrées auprès des négociants de Funchal, invoquer le
témoignage de son ami Giovanni Esmeraldo, produire lettre sur lettre, contrat
sur contrat, rien n’y faisait, il ne parvenait pas à convaincre son
interlocuteur.
    De guerre lasse, il finit par accepter de se rendre, le
25 août 1479, devant un notaire, Giovanni de Felice, pour exposer sa
version des faits et certifier qu’il avait remis à Paolo de Negri pour
1 000 ducats de sucre. La rencontre se déroula dans un climat lourd de
suspicion. Cristovao n’ignorait pas que Paolo de Negri avait besoin de son
témoignage pour écouler sa marchandise à bon prix. Le bruit avait couru en
ville d’un prochain arrêt des livraisons de sucre en provenance de Madère,
provoquant une hausse sensible des cours. En officialisant la transaction, il
rendait service à Paolo de Negri, ce qui obscurcissait d’autant plus les
raisons de la rancœur que ce dernier lui manifestait.
    Quand il sortit de la maison du notaire, épuisé par des
heures d’acrimonieuses discussions, il fut abordé par un homme qu’il
connaissait vaguement pour l’avoir aperçu à plusieurs reprises à l’auberge où
il était descendu. L’individu l’entraîna dans une taverne proche de l’arsenal
et, après avoir vérifié que nulle oreille indiscrète ne les écoutait, lui
dit :
    — J’ai jadis été en relation avec votre père, un
honnête commerçant. Si vous m’en croyez, faites diligence et quittez le plus
rapidement possible cette ville. Je sais de source sûre que Paolo de Negri a
demandé à un juge, un véritable fripon, de vous faire arrêter pour détournement
de fonds. Il est sûr d’obtenir gain de cause. Votre seule chance est que ce
magistrat se trouve pour quelques jours à Pise. Ne perdez pas un seul instant
car, une fois en prison, vous aurez bien du mal à échapper à ses griffes. Il
fera tout ce qui est en son pouvoir pour vous y maintenir. Je suis révolté par
ce qui se trame ici et par le rôle que l’on veut vous faire jouer.
    — Voilà qui contrarie fort mes projets. J’avais
l’intention de me rendre à Savone pour voir mon père, et revenir ensuite à
Gênes pour rencontrer les frères Centurione.
    — Ce ne sont pas eux qui vous tireront de prison.
D’autant que Paolo de Negri est leur homme et qu’il n’a pu agir sans leur
consentement, du moins sans avoir l’assurance que votre arrestation ne leur
causerait pas un grave préjudice. Je vous le redis, vous vous trouverez fort
aise d’avoir suivi mon conseil.
    — Pourquoi m’avoir prévenu ?
    — Je l’ai fait à la demande d’un de vos amis qui
m’assure que vous lui êtes très cher, mais m’a demandé de taire son nom. Il m’a
expliqué que, si je ne le faisais pas, une cause sacrée à ses yeux serait
compromise. Je n’en sais pas plus.
    L’homme paraissait sûr de son fait. Indépendamment de ses
propos sur ce mystérieux ami, ce qu’il disait avait une apparence de
vraisemblance. La haine dont Paolo de Negri faisait montre envers lui était
inexplicable, elle ne pouvait être que le résultat d’un piège diabolique conçu
à son encontre.
    Toute la nuit, il rumina ces sombres pensées. Au petit
matin, sa décision était prise. Il fit discrètement quérir dans les bouges et
tavernes où ils avaient élu domicile les membres de son équipage, et les
enjoignit d’avoir à se tenir prêts pour un départ dans quelques heures. Ils
feraient relâche à Bastia où il avait encore quelques connaissances. Il
pourrait s’y approvisionner et regagner Funchal pour y prendre les ordres
d’Eleazar.
     
    *
     
    Le 20 avril 1479
    D’Antonio Pereira, curé de Porto
Santo,
    à Eleazar

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