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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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qu’elle ne pouvait recevoir publiquement de son
royal amant. L’imbécile lui avait mis un poignard sous la gorge pour obtenir ce
tissu entassé depuis des années dans les entrepôts d’Eleazar Latam.
    Ce dernier ne se montrait pratiquement pas, tout occupé
qu’il était à négocier avec les barons les prêts dont ceux-ci avaient besoin
pour pouvoir tenir leur rang. Il s’agissait de sommes rondelettes et sa maison
de la grande Judaria ne désemplissait pas. Il avait fait venir d’Aragon et de
Castille plusieurs de ses riches coreligionnaires, disposés à échanger ducats,
cruzados et maravédis contre des reconnaissances de dettes en bonne et due
forme, gagées sur leurs terres et leurs revenus. On murmurait même que deux
prélats, soucieux de surpasser en splendeur leurs pairs, avaient été jusqu’à
lui confier les vases sacrés de leurs églises, en dépit des interdictions
formelles édictées à ce sujet par différents conciles. Pour avoir été surpris à
colporter ces rumeurs, le confesseur de Dom Joao avait été disgracié et expédié
aux Açores où il se morfondait en pestant contre ses ennemis.
     
    En ce matin de septembre 1481, le camp de tentes établi à
quelques lieues de Lisbonne bruissait d’une intense agitation. Écuyers et
valets d’armes s’affairaient autour des destriers, vérifiant les harnachements
et menant les animaux à la rivière. Çà et là, on entendait les forgerons taper
sur leurs enclumes, redressant des morceaux de métal rougeoyant, tandis que
d’autres ferraient des chevaux que les palefreniers tentaient de maintenir
immobiles.
    Cristovao s’était rendu au camp en compagnie de frère
Juliao, le portier du monastère de Tous les Saints, dont il appréciait la
placide et tranquille compagnie. Le moine avait une bonne raison d’assister à
ce pas d’armes. Deux de ses cadets étaient au nombre des participants. Avec les
hommes du duc de Viseu, ils étaient supposés s’emparer d’une tour protégeant
l’accès à la fontaine. Tout pétris de leur importance, ces deux jouvenceaux
avaient passé des heures à répéter la scène de l’assaut et à banqueter avec
leurs futurs adversaires, écoutant le héraut d’armes raconter, avec moult
détails, l’épisode en question.
    En les apercevant au loin, en train de revêtir leur armure
après avoir entendu la messe, Juliao avait soupiré :
    — J’ai beau mener une vie de prière et de méditation,
je ne puis m’empêcher de les envier. Ils profitent du retour en grâce de notre
famille. Je suis né trop tôt et n’ai pu embrasser la carrière des armes par
manque de moyens. Si j’avais eu la patience d’attendre, je serais peut-être
aujourd’hui à leurs côtés. J’étais trop impatient, alors j’ai choisi le plus facile,
le service de Dieu.
    Cristovao avait cherché à le consoler :
    — Crois-tu être le seul dans ce cas ? Toi, au
moins, nul ne te conteste le droit de porter les armes. Moi, j’en suis privé
parce que les miens ne sont pas tenus ici pour nobles. Ils sont pourtant issus,
on me l’a raconté, d’un bon lignage. Ils ont eu simplement le tort d’appartenir
à une branche cadette qui n’a pu faire valoir ses droits et privilèges.
Cependant, je te l’assure, je vaux bien mon beau-frère que tu aperçois là-bas,
tout fier de rappeler qu’il descend de Martim Moniz. Je ne suis que l’époux de
sa sœur, et ne serai jamais chevalier ! Est-ce véritablement un mal ?
Contemple ces hommes, y compris tes frères. Ils appartiennent déjà au passé.
Ils ne le savent pas encore car ils vivent dans leurs rêves et ignorent la
réalité. Les romans de chevalerie leur tiennent lieu de livres d’heures. Ils
sont persuadés que s’ils s’emparent de la Fontaine de la Dame inconnue,
celle-ci ne manquera pas de les récompenser en leur donnant fiefs et charges.
Il n’en sera rien. Par contre, Eleazar et ses coreligionnaires viendront leur
réclamer le remboursement de leurs prêts et ils seront bien en peine de pouvoir
le faire. Ils n’auront d’autre recours que d’aller mendier l’appui du roi.
Crois-moi, la Couronne les tient en laisse. Elle fait mine de leur offrir une
fête comme on jette un os à un chien pour lui prouver son affection. Mais c’est
un moyen de les asservir un peu plus et de les rendre dociles comme des
agneaux. Ils se prêtent à cette farce avec joie. Mais rompons là cet entretien,
les chevaliers se mettent en place.
    Toute la journée fut

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