Christophe Colomb : le voyageur de l'infini
notre prince. Celui-ci a été informé par mes soins de la prise
que tu as faite de plusieurs navires castillans qui avaient osé s’aventurer sur
les côtes de Guinée en dépit de la ferme interdiction qui leur en a été
signifiée.
Je partage tes appréhensions quant aux buts recherchés
par ces maudits étrangers. Ils veulent savoir si nous parviendrons à contourner
l’Afrique pour arriver aux pays d’où viennent les épices. C’est notre ferme
volonté de le faire et, tôt ou tard, Dieu nous aidera à réaliser ce projet.
Tu as agi sagement en faisant pendre ces capitaines et
leurs équipages.
Notre prince bien aimé t’autorise bien volontiers à
conserver pour toi leurs navires et ce qu’ils contenaient.
Ainsi que tu l’indiques dans ton rapport, la
multiplication de ces voyages est inquiétante et il est indispensable de
prendre des mesures draconiennes pour y mettre fin.
Sache que nous préparons un fort joli tour à ces
Castillans pour les décourager et les induire en erreur.
José Vizinho.
*
Le 5 Siwan 5242
De Meshoullam de Volterra à José
Vizinho,
la paix et le salut sur mon
illustre ami,
ouvidor de la Judaria de Lisbonne
J’ai à chaque fois plaisir à passer par ta ville. Elle ne
manque pas d’attraits que tu négliges en raison de tes lourdes responsabilités.
L’un d’entre eux est qu’elle semble attirer les esprits fantasques et curieux.
Conformément à tes instructions, j’ai rendu visite à
l’ancien commis d’Eleazar pour lequel j’éprouve de l’amitié bien qu’il ne soit
pas des nôtres.
Son mariage ne doit pas être heureux car il poursuit
toujours ses chimères avec la même obstination.
Je lui ai dit que je connaissais Toscanelli et il m’a
confié une lettre pour lui dont je te fais parvenir une copie. Le malheureux
devra longtemps attendre sa réponse car mon ami lui a joué un fort mauvais
tour. Il aimait tellement les astres qu’il est parti les rejoindre il y a peu
de temps.
Puisse Dieu nous éviter pour de longues années encore de
l’imiter.
Meshoullam de Volterra.
*
Le 22 juin de l’an de grâce
1482
Au nom du très puissant et très
excellent prince
Dom Joao, roi du Portugal,
à l’illustre Fernao Martins,
chanoine de la Sé
Par la présente, je t’ordonne de remettre à la chancellerie
la lettre que t’avait envoyée, il y a plusieurs années de cela, l’illustre
Paolo Toscanelli, lettre dont tu m’avais parlé et qui avait alors fort
intéressé notre maître.
Nous te demandons également de joindre à cette lettre la
carte qui l’accompagnait et qui, selon mestre José Vizinho, serait en ta
possession.
Nous te rappelons que tu dois conserver, en cette matière
comme en toute autre, le secret le plus absolu.
J’ajoute que, dans son infinie bonté, notre souverain,
désireux de te prouver sa bienveillance et son affection, t’a choisi pour être
désormais son chapelain et son confesseur, charge pour laquelle tu recevras une
pension annuelle de mille ducats d’or.
Antao Correa,
ouvidor de la chancellerie.
*
Le 20 septembre de l’an de
grâce 1482
Du frère Juliao, portier du
monastère de
Tous les Saints de l’ordre de
Santiago,
au très respecté José Vizinho,
physicien de la cour
Les multiples bienfaits dont tu as comblé les miens font
de mon humble personne ton loyal et dévoué serviteur.
Nos grands-pères, de mémoire bénie, avaient servi
l’infant Enrique à Sagres et je remercie le Ciel que Dieu ait maintenu entre
leurs descendants la concorde et l’amitié qui les unissaient.
Tu as permis à mes cadets de rentrer en possession de
leurs biens et de reprendre leur place à la cour. Tu as aussi soustrait l’un
d’entre eux au châtiment qui l’attendait pour avoir imprudemment pris le parti
du duc de Viseu, de mémoire maudite.
C’est pour te prouver ma reconnaissance que j’ai
scrupuleusement exécuté tes instructions.
J’ai fait parvenir au Génois que tu sais copie de la
lettre et de la carte que tu m’avais remises. Ces copies ont été exécutées par
son frère, Bartolomeo, dont le silence nous est acquis.
Il est en effet sous ma coupe totale en raison d’une fâcheuse
affaire dont je l’ai tiré à grand-peine. Cet imbécile avait, dans sa jeunesse,
contracté un mariage secret avec une esclave nommée Maria, devant un prêtre de
la Sé. Cette esclave a été par la suite vendue par son maître et vit
actuellement à
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