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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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demandait de venir, le lendemain, pour
une affaire urgente. Au ton employé par le messager, il avait compris que cette
invitation était un ordre déguisé et que toute tentative pour s’y soustraire
lui vaudrait de sérieux ennuis. Cristovao connaissait bien ce bâtiment situé
près de la place de l’Ancien Pilori. C’était une formidable bâtisse dont
l’accès était interdit au tout-venant. Il fallait montrer patte blanche pour y
pénétrer, et ceux qui en ressortaient affichaient un visage grave et fermé. On
les devinait détenteurs de lourds secrets et tremblants à l’idée qu’une
indiscrétion de leur part ne les conduise en prison. On murmurait que la Maison
de La Mine abritait de sombres cachots où croupissaient certains capitaines
dans l’attente d’un improbable procès.
    La Mine, le mot avait quelque chose de magique. Les marins,
à la taverne, le prononçaient d’un ton qui en disait long. C’était la
forteresse édifiée par un fameux chevalier, Diogo de Azambuja, un personnage
étrange, taciturne, célèbre pour sa hardiesse. Il avait perdu une jambe, arrachée
par un boulet lors de la guerre contre la Castille, et n’en avait pas moins
continué à servir son roi, sur terre comme sur mer.
    À l’automne 1481, il s’était embarqué avec six cents soldats
et une centaine de maçons et de charpentiers arrachés aux chantiers de Lisbonne
sans avoir eu leur mot à dire. Les fortes têtes, qui avaient osé protester,
avaient appris à danser sous le fouet et étaient revenues à de meilleurs
sentiments. Des dizaines et des dizaines de manœuvres et de portefaix avaient
chargé à bord du navire des poutres, des madriers et des blocs de pierre
taillée.
    Une fois sur place, maçons et charpentiers s’étaient mis au
travail, sans ménager leur peine. En quelques mois, une forteresse imposante,
Saint-Georges de La Mine, avait surgi sur la côte de Guinée, avec ses chemins
de ronde, ses remparts, ses écuries, ses étables et ses logements pour les
soldats, le tout flanqué d’une chapelle dont la cloche carillonnait les jours
de fête. À quatre ou cinq cents lieues à la ronde, il n’y avait pas de forteresse
aussi puissante, arborant en haut de ses tours la bannière du Portugal.
    C’était la preuve tangible de la présence portugaise dans
ces contrées situées à l’extrémité du monde connu. On y vivait, paraissait-il,
comme à Lisbonne et le gouverneur de La Mine disposait d’appartements très
confortables. Avec ses adjoints, il avait pour mission d’organiser les convois
de navires qui ramèneraient sur les bords du Tage toutes les richesses de
l’Afrique ; malaguette, or, plumes d’autruche, esclaves des deux sexes et
animaux étranges. C’est là que José Vizinho, le médecin du roi, avait décidé de
se rendre en compagnie des autres membres de la Junte des Mathématiciens, qu’il
avait créée pour seconder le monarque dans ses entreprises d’outre-mer. Ils
auraient pour mission de mesurer la carte du ciel de la manière la plus exacte
qui soit. José Vizinho se faisait fort de surpasser les calculs établis par son
coreligionnaire Abraham Zacuto, auprès duquel il avait étudié à l’université de
Salamanque et qu’on disait fort érudit.
    Pour mener à bien ce projet, le médecin avait dû batailler
ferme. Dans un premier temps, Dom Joao avait commencé par refuser net de se
séparer de lui. Il n’entendait pas être à la merci d’une mauvaise fièvre ou
d’un refroidissement alors que son médecin se trouverait à des semaines et des
semaines de navigation de Lisbonne. Son nouveau confesseur lui avait hautement
reproché son attitude. Quelle sorte de Chrétien était-il ? Il faisait plus
confiance à un physicien juif qu’à Dieu et aux prières de ses sujets. Une faute
incommensurable dont le Créateur pourrait bien prendre ombrage !
Jusque-là, Il avait répandu Ses bontés sur le monarque et voilà que celui-ci Le
payait en retour de cette manière ! Le prêtre avait tancé son royal pénitent
et lui avait reproché d’être aussi douillet qu’une fillette. Il avait même eu
ce mot mystérieux : « Il est un temps pour voler comme la chouette et
un temps pour voler comme le faucon. » Dom Joao n’y avait rien compris
mais avait jugé la phrase si profonde qu’il la répétait désormais à tout
propos.
    D’humeur volontiers inconstante, il s’était en conséquence
persuadé qu’il pouvait envoyer au diable son médecin. Il ne lui

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