Christophe Colomb : le voyageur de l'infini
que
j’éprouve à l’idée que Dom Afonso V et son fils Dom Joao préfèrent
guerroyer contre la reine Isabelle de Castille plutôt que de l’aider à
reprendre Grenade aux Maures.
Tant que ces maudits Infidèles tiendront cette ville,
Ceuta ne connaîtra pas le repos. Lisbonne ne s’en soucie guère et c’est
uniquement grâce à ta généreuse intervention auprès de la reine que nous avons
pu recevoir le blé dont les habitants avaient désespérément besoin.
Je t’avais promis de te manifester ma reconnaissance du
mieux que je le pourrais. L’occasion s’en présente. Je suis actuellement en
route vers la côte de Guinée et j’ai pris prétexte d’une escale à Boa Vista
pour attendre le passage d’un navire castillan afin de remettre à son capitaine
cette lettre. Elle te parviendra sans doute tardivement car il a essuyé bien
des déconvenues et se trouve pour l’instant dans l’impossibilité de reprendre
la mer.
Sache que je suis en compagnie de José Vizinho et de
mestre Rodrigo mais aussi d’un curieux Génois qui m’a fait de singulières
confidences sur l’île de Cypango et sur les richesses qu’elle contient. Il se
fait fort d’y parvenir.
C’est un curieux esprit, fantasque et rebelle, dévoré par
une étrange passion. Je sais encore peu de chose de lui et de ses projets mais
je le pressens homme de grande capacité que ta souveraine gagnerait à attirer à
son service.
Je ferai tout pour qu’il en soit ainsi et ce sera pour
moi le moyen le plus agréable de m’acquitter de la dette que j’ai à ton égard.
Ton fidèle
serviteur, Diogo Ortiz de Vilhegas.
*
Le 25 août de l’an de grâce
1484
De Diogo Cao, écuyer du très
grand et très noble
prince Dom Joao II, roi du
Portugal,
à José Vizinho, physicien de la
cour
J’ai suivi tes instructions et instruit le Génois des
difficultés que nous rencontrions en longeant la côte d’Afrique ; je lui
ai parlé en détail du grand fleuve qu’il nous a été impossible de remonter
jusqu’à sa source.
J’ai pris grand soin de ne rien lui dire des découvertes
que nous avons faites récemment qui nous permettent d’espérer atteindre sous
peu notre but. Mon second, Bartolomeu Dias, lui a d’ailleurs joué la farce de
belle manière, en gémissant sur la cruauté du sort qui est le sien, naviguer
sur une mer sans fin.
L’idée que je t’avais suggérée de l’envoyer à l’intérieur
des terres a produit son effet. Pour rien au monde, ce coquin ne désirera
retourner en Afrique, et maudit celle-ci avec tous les termes imaginables.
À toi de voir s’il est possible de l’utiliser pour
attirer les Castillans dans un traquenard. Ils se font chaque année de plus en
plus pressants et il faut les éloigner à tout prix de ces terres que Dieu a
réservées au seul Portugal.
Je suis ton obéissant serviteur,
Diogo Cao.
*
Le 2 octobre 1484
De José Vizinho à Diogo Ortiz de
Vilhegas
C’est pour t’éviter de commettre une lourde erreur que je
me suis décidé à te révéler les conditions dans lesquelles ce Génois était
entré en possession de la lettre jadis écrite par Toscanelli au confesseur du
roi. Tu auras de la sorte compris que son projet est dénué de tout sens.
Tu as bien agi en paraissant t’excuser auprès de lui de
ton accès de colère et en lui donnant l’impression que tu lui voulais du bien.
C’est pour cette raison que le roi te charge de lui annoncer qu’il est hors de
question de lui fournir les bateaux et les équipages qu’il demande.
Fais en sorte de lui conseiller de quitter le Portugal.
Je m’y emploie par d’autres moyens mais je suis sûr qu’il sera sensible à ton
avis.
José Vizinho.
*
Le 10 octobre 1484
À Bartolomeo Perestrello y Moniz,
capitaine-donataire de l’île de
Porto Santo
Sa Majesté le roi Dom Joao II a pris connaissance
des griefs que tu as formulés concernant ton beau-frère et en a longuement
parlé avec son physicien, mestre José Vizinho, qui a plaidé en ta faveur.
J’ai le plaisir de t’annoncer que la Couronne envisage de
te racheter la charge que tu as héritée de ton père, et que tu seras
prochainement averti des conditions auxquelles ce rachat s’effectuera.
Il est évident que l’affaire ne pourrait se faire si les
droits dont jouissaient tes deux sœurs faisaient l’objet d’une procédure devant
un tribunal. Il est donc souhaitable que tu t’abstiennes de
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