Chronique de mon erreur judiciaire
interprétations de discours. Et de raconter qu’il avait même fait la remarque que le procès-verbal ne reprenait pas exactement ses dires, mais s’était vu répondre que cela signifiait la même chose. On imagine ce que cela put donner avec des enfants ne sachant pas bien lire…
Les autres interrogatoires me sollicitent moins. Je note cependant l’audition de la mère d’un handicapé mental mis en cause de façon très circonstanciée par les enfants Delay et Myriam Badaoui, mais déclaré irresponsable de ses actes. Sa maman explique qu’il est incapable de se déplacer seul, ne sait pas monter les escaliers ou s’habiller sans aide, pas même aller aux toilettes, et que, de toute façon, il est impuissant. Elle précise avoir, à l’époque, téléphoné au juge d’instruction pour lui expliquer le cas de son fils et solliciter une expertise, mais que le juge Burgaud avait préféré lui raccrocher au nez. Un témoignage qui renforce le sentiment de malaise de ce procès et confirme l’attitude critiquable du magistrat instructeur.
Chapitre 41
Le procès, Acte IV, scène 1
ou
Enfin mon fils me disculpe aux yeux de tous
Pas d’audience aujourd’hui. Mais des rendez-vous médicaux. Dont le psychiatre auquel Dany, qui assiste à l’entretien, confie que j’aurais un comportement étrange, oscillant entre abattement et impulsivité, voire agressivité. Bref, je ne suis plus dans mon état normal. Le médecin me fait alors passer des tests concluant que j’ai besoin d’apporter des explications à toutes mes angoisses. De nouveau, pour me soigner, elle souhaite m’hospitaliser, mais je refuse énergiquement. Pour réguler mes sautes d’humeur et la dépression qui me ronge, elle modifie le traitement en augmentant les doses de Tersian®. J’en arrive à dix-sept comprimés par jour. De quoi assommer un cheval.
Le lendemain, on fête mon anniversaire chez ma marraine où je retrouve sa fille Véronique. Évidemment, tout le monde parle de l’affaire, s’intéresse aux comportements des uns et des autres, décortique les jeux de rôle, les retournements de situation. Tous sont persuadés que les treize innocents vont être libérés alors que je pense désormais le contraire, convaincu qu’il sera impossible à l’avocat général de demander treize acquittements sous peine de discréditer complètement le système. À mon sens, il maintiendra quand même l’accusation sur quelques points. Je ne croyais pas si bien dire… hélas.
Au petit matin du lundi de Pentecôte, je me réveille tôt. Je me pèse – encore un kilo en moins –, travaille dans mon bureau, répondant aux multiples courriers reçus, consultant toutes les lettres de soutien des amis, des connaissances, des débiteurs de l’Étude, des confrères, des anonymes. Des messages où un élément m’étonne par son ampleur : nombreux sont ceux qui expriment leur mépris de la justice française.
*
Nous entamons la cinquième semaine du procès et Myriam Badaoui, après avoir refusé le vendredi précédent son extraction de prison, est de retour sur son banc. Le show pathétique de cette femme aux confins de la folie va-t-il reprendre ? À vrai dire, cela ne m’importe guère dans la mesure où le Tersian® agit plus que bien : l’audience du matin, je la vis en effet quasi endormi sur mon siège, les yeux mi-clos.
Nous écoutons deux enfants qui mettent en cause le prêtre-ouvrier, puis l’assistante maternelle. Le premier, suivi dans un institut médical spécialisé, confie des souvenirs pleins de contradictions, d’invraisemblances et d’imprécisions. À part le prêtre-ouvrier, il dénonce des voisins, en précisant « qu’il y avait d’autres adultes ». Pourtant, son audition donne l’impression d’un numéro d’équilibriste mal réglé, improvisé, laborieux même. Le deuxième enfant, de son côté, s’en prend au couple Delay-Badaoui, mais aussi au pauvre religieux. L’assistante maternelle, une fois à la barre, souligne que l’enfant était scolarisé avec Dave Delay et qu’un jour ils avaient regardé une cassette pornographique ensemble. Ce qui fait réagir l’avocat d’Odile, parlant de la pernicieuse et fétide « rumeur de Samer », née des récits des enfants Delay scolarisés dans la même école que les nôtres. Récits dans lesquels ils impliquaient des personnes dont ils avaient seulement entendu les noms. Mon pauvre Sébastien, comment as-tu pu être pollué ainsi
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