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Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
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si cela s’est produit, c’était par inadvertance. Mais quand j’entends qu’il aurait aussi accusé son frère Thomas d’avoir invité sa petite sœur Cécile à lui toucher le sexe, je devine qu’on nage en plein délire. Et que ce délire n’augure rien de bon. Sébastien est un enfant fragile, influençable, et j’ai hâte de savoir ce qu’il a bien pu raconter ou cru bon de dire…
    *
    Alors que, quelques heures plus tôt, je croyais pouvoir revenir chez moi le soir, je sais désormais que ma vie a basculé. Après avoir vu le juge, je reste au centre de détention.
    J’emprunte un long couloir au bout duquel se présentent deux policiers, en tenue, qui m’apprennent que je vais passer la nuit en ces lieux. Ils me demandent si j’ai été fouillé et je réponds par la négative. Furieux, ils laissent exploser leur colère, dénigrant sans hésiter leurs collègues qui m’ont amené ici, expliquant que cette tâche leur incombait. Élevant la voix, ils refusent de faire ce « boulot » à leur place… et moi je reste planté là, ne sachant que faire. Peu à peu, les larmes me viennent tandis qu’ils médisent sur les manquements de leurs pairs. Quand surgit enfin celui qui m’a conduit au centre, ils se calment subitement et, en bons subalternes, s’exécutent sans plus tarder.
    Que me demande-t-on ?
    De vider toutes mes poches avant d’être conduit dans une cellule où je dois entièrement me déshabiller, enlever ma chaîne et ma croix huguenote. L’un des policiers ganté de blanc me fusille du regard : je suis en sous-vêtements, par ce froid intense, et je peine à enlever les lacets de mes chaussures.
    En passant dans le couloir desservant les geôles voisines, je distingue une personne gémissante, allongée en « chien de fusil ». Recouverte d’un manteau épais, je crois reconnaître ma femme, sans oser l’appeler.
    On me jette alors dans une pièce d’environ neuf mètres carrés aux murs couverts de tags, et parfois d’excréments. Sans parler de quelques traces de sang sur le sol. Sur un banc en béton gisent des couvertures sales et repoussantes. L’odeur est infecte et la lumière blafarde. Où me poser ? J’avance vers le banc, où je reste un long moment, versant toutes mes larmes, songeant à Odile et aux enfants. C’est alors que j’aperçois ma femme, dans le couloir, qui se rend aux toilettes. Je suis content de la savoir en vie, et triste de deviner ce que révèlent ses yeux rougis. Quand je la vois revenir dans sa geôle, jouxtant la mienne, je crie son nom. Mais elle ne m’entend pas. Je frappe alors très fort sur le mur. Enfin, elle me répond. Des signaux que nous avons répétés à de très nombreuses reprises, afin de conserver un minimum de contacts humains.
    Dans la puanteur et la lumière, j’essaie, ce soir-là, de dormir. En vain ! Je n’ai plus aucune notion du temps, ayant été privé de ma montre sans m’en rendre compte. Le banc en béton réveille mes souffrances dorsales. Au reste, il ne m’a été proposé ni nourriture, ni boisson. Ni même un peu d’eau, pour un semblant de toilette.
    J’avance dans cette première nuit de détention avec effroi. À la honte, au sentiment d’injustice, se mêlent des cris provenant d’une cellule voisine. Quand les policiers interviennent, les hurlements reprennent de plus belle, je comprends qu’il s’agit d’un étranger héroïnomane « en manque ». Après un quart d’heure, je n’entends plus rien.
    *
    Je n’ai pas dormi, j’ai froid, je suis toujours à jeun et je songe à L’Archipel du Goulag de Soljénitsyne. Au petit matin, je suis conduit devant une avocate qui m’indique en vingt minutes mes droits et me dit tout ignorer du sort de ma femme et de mes enfants.
    De retour dans la cellule, n’ayant pas vu Odile, je m’inquiète et reste assis sur mon banc de béton, grelottant de froid dans les couvertures. Un policier en tenue vient me chercher pour prendre mes empreintes, me mesurer, me photographier et m’attribuer un numéro. Je lui fais part de mon problème de dos, mais il rétorque tout net n’en avoir « rien à faire ».
    Je reviens ensuite dans le même bureau que la veille. Je marche avec difficulté, tant mes douleurs dorsales sont aiguës, mais personne ne s’en émeut. De nouveau, ma main droite menottée est retenue par une chaîne courte, fixée au sol. Et quand je sollicite une visite médicale pour obtenir des médicaments antidouleur, on me

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