Chronique de mon erreur judiciaire
charges. À nouveau, je clame mon innocence, espérant qu’enfin le cauchemar va prendre fin. Mais c’est l’inverse qui se produit : Fabrice Burgaud demande ma mise en détention provisoire.
Je ne comprends pas. Mon avocat non plus, d’ailleurs. Nous nous entretenons un court instant, avant qu’on me conduise dans un autre bureau où siège le juge des libertés et de la détention. Je reste confiant, notamment quand le procureur me salue. Lorsque maître Delarue m’apprend qu’Odile a été placée en détention provisoire, j’aurais dû tilter, mais non. J’ai alors droit à un débat contradictoire, durant lequel le procureur de la République intervient, lit d’un air agacé un texte qu’il a dû parcourir de nombreuses fois et achève sa péroraison en réclamant à son tour la détention provisoire. Quand la parole m’est donnée, je clame une énième fois mon innocence, exposant les suites néfastes de cette décision, tant pour moi, ma famille que mon Étude. Maître Delarue intervient à nouveau avec éloquence pour confirmer la faiblesse des accusations, corroborant le fait que les conséquences d’une telle décision seraient catastrophiques, et propose un contrôle judiciaire avec, pourquoi pas, une caution si nécessaire. Sans succès aucun.
Comme si nos arguments, frappés au coin du bon sens, n’avaient servi à rien, le magistrat prononce la détention provisoire et mon transfert à la maison d’arrêt de Beauvais. Il indique à mon avocat le bureau pour faire appel de sa décision et ajoute que, « de toute façon, il existe une commission d’indemnisation si besoin est » !
*
Brisé, éberlué, n’en pouvant plus, je suis emmené au sous-sol par trois policiers en tenue qui me passent les menottes derrière le dos, me poussent à l’arrière d’un fourgon et me conduisent vers la maison d’arrêt. Avec un peu de bienveillance, ils me suggèrent de m’allonger par terre et de poser mon manteau sur ma tête pour éviter la meute de journalistes et de photographes qui m’attendent. Je me cache et le fourgon surgit du sous-sol, gyrophare allumé et sirène en marche. Nous roulons très vite sous prétexte de la poursuite d’éventuels photographes et ce n’est qu’une fois arrivés sur l’autoroute que je peux m’asseoir normalement.
Là, je ne sais plus quoi penser. Moi qui ne croyais guère aux erreurs judiciaires, je suis dorénavant obligé de reconnaître qu’elles existent et que j’en deviens une victime.
Chapitre 4
Un aller simple pour Beauvais
ou
La première maison d’arrêt
14 h 15. J’arrive à la maison d’arrêt de Beauvais. On me retire les menottes et me propulse dans une cage infecte d’environ un mètre carré, aux murs tagués tapissés de crachats. Là, je suis une énième fois fouillé, déshabillé et on me laisse mariner une bonne heure avant de passer au greffe où l’on relève mon identité et mes empreintes. On me prend ensuite en photo avec mon matricule et le surveillant me gratifie d’une explication succincte du fonctionnement de la maison d’arrêt. Tout en confisquant mes chewing-gums, il me remet une trousse de toilette. Mon argent est immédiatement placé sur un compte qui me permettra de commander les denrées alimentaires me faisant défaut.
Un autre gardien me conduit ensuite chez le médecin où une infirmière prend ma tension, mesure mon poids. L’entretien dure cinq minutes et le médecin cherche à savoir si je me drogue, suis alcoolique…
Le même surveillant m’amène après à la lingerie, où un détenu me tend un matelas, des draps, deux couvertures, une mousse informe à usage d’oreiller et une taie. Je reçois aussi une fourchette, un bol et une assiette. Une petite cuillère ? Il faut l’acheter. Quant à ce qu’ils appellent « un canif », il s’agit d’un mini « coupe-chou » à bout rond sans aucun côté tranchant. Aux prisonniers de l’aiguiser… même si ce geste est interdit !
J’apprends à ma grande surprise que je serai placé dans une cellule de neuf personnes, n’imaginant pas que des espaces aussi encombrés puissent encore exister, m’attendant plutôt à trouver, dans le pire des cas, trois ou quatre codétenus. Quand je sollicite des nouvelles d’Odile et de mes enfants, je ne recueille en réponse qu’un silence souverain !
*
À peine arrivé dans la cellule, le ton est donné. Les détenus m’attendent, assis autour d’une table, la mine renfrognée.
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