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Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
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malade pour violer ainsi des enfants. Au demeurant, mon esprit est préoccupé aussi par la violence affective que subissent nos enfants à nous, les présumés coupables, auxquels la justice a fait subir un sort aussi peu enviable que celui de leurs parents.
    Régulièrement, le cadre du service, M. Roger, me notifie des ordonnances de rejet de mise en liberté et me fait parapher des ribambelles d’accusés de réception. À chaque nouveau refus, mon avocat fait en effet appel et, suite à l’arrêt confirmatif, dépose une nouvelle demande. Si je n’y crois plus, lui persiste… et moi je signe. En téléphonant aux miens, je sais que l’avocat d’Odile utilise exactement les mêmes procédures.
    *
    À mesure que le temps s’écoule, mon humeur retombe. Et la déprime remonte. Je broie du noir, des envies de vengeance s’emparent de moi, je cherche des tentatives d’explication à cette persécution irrationnelle. Je songe à une machination d’accusateurs connus et inconnus, qui ont voulu me faire plier, me détruire et attendent ma mort pour se servir. Malgré une entrevue avec le père Stéphane, aumônier de l’hôpital ayant toute ma confiance, à qui je décris mes états d’âme et demande l’aide de l’Éternel pour abréger mes souffrances, sachant que la justice de Dieu n’est pas celle des hommes, je dérive à nouveau vers l’abîme. Traversé de pensées morbides, je me mets à transformer mes cauchemars en prémonitions et à voir partout des signes funestes. La neige qui tombe serait mon linceul et des barbelés au fond du jardin signifieraient une impossibilité de retour à la vie normale.
    Souvent mes rêves concernent ma mère. Je me rappelle l’avoir vue une fois distinctement, souriante, pleine de vie et de joie. Je suis avec elle à la maison, elle monte et descend les escaliers, s’active, me regardant, m’appelant. Je n’ai aucune réaction durant ce songe, mais, au réveil, mes idées de suicide resurgissent.
    À nouveau, je suis au bout du rouleau et je ne supporte plus rien. Être entouré de schizophrènes me devient insupportable alors qu’en toute objectivité je suis de mieux en mieux traité par le personnel hospitalier. J’ai en effet le droit de me promener, accès à une multitude de clés et me dis quelquefois que je manque de belles occasions de m’enfuir. Mais non, en fait, les aides-soignants m’ont procuré un dérivatif : me confier la responsabilité de la salle télé du rez-de-chaussée et de la bibliothèque. Pourtant, plus le temps passe, moins j’ai envie de me battre.
    Le dimanche 10 mars 2002, je prends conscience que dans vingt jours ce sera l’anniversaire de mon fils aîné Thomas. Je me fixe ce nouveau jalon pour croire, à nouveau, à une libération. Quand, le 20 mars, je suis extrait pour aller à la chambre d’instruction de la cour d’appel de Douai, je ne m’angoisse même pas. Ni optimiste, ni inquiet, je suis ailleurs. À tel point qu’au retour à l’hôpital, lorsque le personnel veut savoir si l’audience s’est bien passée, j’explique que oui mais que l’expérience me commande d’être aussi méfiant que prudent.
    *
    Une nouvelle fois, j’ai raison. Le lendemain, l’absence de nouvelles m’indique que l’appel a été rejeté. Une nouvelle terreur monte en moi : si on me juge en meilleure forme, on va sans doute me renvoyer en prison. Or, à la fin mars, au hasard d’un repas du soir, je vois Patrick, ancien compagnon de la cellule B4. Lequel me donne de mauvaises nouvelles de Beauvais : à l’en croire la prison est plus surchargée que jamais, les bagarres devenues inévitables et l’ambiance fortement dégradée. Y retourner reviendrait à toucher le fond.
    Le même jour, je reçois les conclusions de nouvelles expertises et suis averti de ce que je redoutais : on va m’extraire le 2 avril.
    *
    30 mars 2002. L’échéance que je m’étais fixée arrive. Pour la première fois de ma vie, je ne pourrai pas embrasser Thomas à son anniversaire. Il a quatorze ans et je ne suis pas là ! L’absurdité de la situation revient me frapper avec force : pourquoi nous faire autant de mal, à moi, à ma femme, à mes enfants, à toute ma famille ? Qui est derrière tout cela ? Quel drame se prépare ? Que cherchent-ils ? Ont-ils atteint leur objectif ? Que de questions sans réponses !
    Le lendemain, fêter la pâques, culte bénéfique, me procure du réconfort et ravive l’espoir. Je me fixe

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