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Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
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fait sourire parce qu’elle correspond bien à ma chère femme. N’avait-elle pas coutume de dire qu’« une louve dont on vient de toucher les petits » se met en colère ?
    *
    Autre « merveille » de la détention en hôpital psychiatrique durant une instruction – et le procès de mai 2004 en a montré les abus –, la diversité des expertises et leur caractère pour le moins contradictoire.
    Ainsi, le 19 février 2002 à 8 h 30, j’ai droit à une expertise psychologique. L’homme de « l’art » m’attend dans un bureau mis à sa disposition. Je le salue et il bougonne un « bonjour » du bout des lèvres et me demande de m’asseoir, sèchement. Cela me met mal à l’aise. Me prend-il d’emblée pour un dangereux criminel ?
    Il me questionne sur mon enfance, mes parents, mes sœurs, ma femme et mes enfants. Je lui réponds brièvement mais, sans jamais me regarder, il donne l’impression de s’ennuyer, n’ayant visiblement aucune envie de communiquer ou de faire un quelconque excès de zèle.
    Ensuite il me demande de trouver des synonymes de mots. Certains me sont peu familiers, d’autres totalement inconnus. Nous passons après à un autre test, le fameux Rorschach : il me présente une série de dix planches aux dessins étranges, sortes de taches d’encre effectuées sur une face de papier qui s’imprime sur l’autre face, créant deux images symétriques. Je me rappelle avoir distingué un insecte, un monstre, deux personnes préparant un repas, une chauve-souris, un fantôme. Plus quelques motifs n’ayant aucune signification. Quand j’ai dû retirer les deux images qui me plaisaient le moins, je crois avoir ôté le fantôme et le géant.
    Je suis sorti de la séance penaud, traumatisé par l’idée que cet examinateur pouvait décider de mon avenir. La conclusion de « l’expertise » fut du reste « édifiante ». Si elle n’a pas mis en évidence de « troubles psychopathologiques structurés patents ni d’organisation perverse de la personnalité », je présenterais, selon elle, « une orientation homosexuelle larvée et réprimée, qui se traduisait par une forme régressive voyeuriste de la sexualité faisant appel à la pulsion scopique ». Traduction ? Mystère.
    L’expertise psychiatrique, elle, se déroule le samedi 23 mars vers 18 heures. Dans une tout autre ambiance puisque je suis accueilli par deux hommes souriants qui me mettent aussitôt en confiance. Pendant une heure et demie, ils me posent à tour de rôle maintes questions, notamment sur Odile, les enfants, mes parents, ma famille, ma jeunesse. Ils souhaitent parfois une réponse brève, parfois une plus développée. Je décide de ne rien leur cacher et d’être clair dans mes explications.
    Leur conclusion est on ne peut plus nette : au moment des faits énoncés, je n’étais pas atteint « de troubles psychiques ou neuropsychiques ayant aboli ou altéré mon discernement et […] [je ne présentais] pas de pathologie de nature sexuelle, ni de traits de caractère ou de personnalité caractéristique des abuseurs sexuels ».
    C’est dit. Mais est-ce entendu dans le cabinet d’un juge d’instruction ?
    Pire, mon dossier est en stand-by. Cela ne remonte pas le moral, mais au moins, en ces lieux – à la différence de la prison – où le personnel soignant sait se montrer courtois, je suis préservé des humiliations carcérales. Mieux, voilà au moins un endroit où on s’apitoie sur mon sort et où s’applique la règle de présomption d’innocence que l’instruction me refuse. Un réconfort qui n’a pas de prix.
    *
    Lexomil®, Prozac®, mon existence végétative se poursuit.
    La psychologue aux textes obscurs fait à nouveau des siennes. Si elle a la bonne idée de me conseiller d’écrire ma vie actuelle, elle recommande de tenir compte des souffrances subies par les enfants. Une envie de meurtre me caresse l’esprit en l’entendant mais je me ressaisis, préférant concentrer ma vindicte sur les visages de mes ennemis, les vrais coupables de ce crime immonde que sont les Delay, Badaoui, Delplanque, Grenon. Comme les autres, à la lecture de quelques comptes-rendus du dossier, j’ai eu des haut-le-cœur en découvrant ce que des adultes pouvaient faire subir à des enfants. Comme les autres, j’ai jugé que ces terribles sévices méritaient la prison à perpétuité, accompagnée d’un solide traitement dans la mesure où il faut être profondément

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