Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
Vom Netzwerk:
un nouvel objectif : me préparer pour la confrontation du 2, y arriver en pleine forme malgré ma camisole chimique, et tenter de faire la meilleure impression possible. Je dois reprendre en mains ce destin qui m’échappe. La lecture d’une biographie de Calvin va peut-être m’y aider.
    *
    Le grand jour survient.
    La gendarmerie vient me chercher à 6 h 50 et nous parvenons à Boulogne-sur-Mer trois heures plus tard. Je serre la main de maître Delarue qui m’annonce une rencontre avec le fils Legrand. Hélas, à peine entré dans le bureau du magistrat, je suis averti qu’il n’y aura pas de confrontation !
    À mon avocat qui fait part de son étonnement, le magistrat ne répond pas mais dérive sur une série de questions à mon sens sans intérêt pour son instruction.
    Pourquoi avez-vous coupé votre barbe ? me demande-t-il ainsi et par trois fois, alors qu’il a déjà eu la preuve préalable que je ne me l’étais pas coupée.
    Et pourquoi avez-vous vous dit un jour à votre coiffeur que vous alliez parfois en Belgique ?
    Ma réponse, simple, fuse : j’y partais pour acheter des chocolats, de l’essence et des cigarettes, parce que ma maison natale se trouve simplement à une rue du poste frontière !
    Je sors du bureau dégoûté, anéanti et terrifié. La réputation et la vie d’innocents sont en jeu, des personnes au-dessus de tout soupçon sont en détention préventive depuis des mois, mais on en est encore à s’interroger sur des billevesées. Ma rage renaît.
    Arrivé à l’hôpital, le personnel soignant me pose une multitude de questions que j’élude, ayant honte d’avoir été auxiliaire de cette « justice » pathétique. Avant cette affaire, je n’avais jamais cru aux erreurs judiciaires mais, désormais, en étant la victime la plus évidente, l’adage selon lequel il vaut mieux laisser un coupable en liberté qu’enfermer un innocent devient pour moi une évidence.
    Dans l’après-midi, le docteur Molto m’informe avoir demandé la levée de l’hospitalisation d’office parce que mon transfert au service médico-psychologique régional d’Amiens est programmé. Je suis désemparé : repartir vers l’inconnu me panique. Mais lui me rassure, me dit qu’il s’agit d’une unité spéciale, aux cellules aménagées pour recevoir des gens « comme moi » suivant un traitement adapté.

Chapitre 17

Paperasseries et brimades
ou
Des atermoiements administratifs en attente d’un transfert
    Faut-il toujours que la mouise s’acharne ? Qu’elle s’attaque aux mêmes sans répit ni sursis ?
    Nous sommes le 4 avril 2002 et j’attends, allongé sur mon lit, que l’on vienne me chercher. Pour aller où ? Je n’en ai aucune certitude : un présumé coupable est à la merci de l’abus de pouvoir.
    Vers 14 h 30, je range mes affaires et remets au bureau certains effets que ma famille viendra prendre, notamment du linge sale. Puis j’attends. La patience a des vertus mais aussi des limites lorsqu’on n’est averti de rien. Une demi-heure plus tard, deux surveillants viennent m’embarquer avec Patrick. Je suis entièrement fouillé, menotté puis, comble de l’absurdité d’un système, entravé avec mon coéquipier, tous deux nous voyant enchaînés par les mollets. M. Roger, offusqué, s’indigne mais le maton rétorque qu’il fait « ce que bon lui semble ». Une scène qui se déroule sous le regard des autres patients, dehors ou aux fenêtres. J’ai tellement honte que je ferme les yeux, avant de verser des larmes, tête baissée, gagné par le sentiment d’être un bagnard conduit aux galères.
    Durant le voyage en fourgon, seules quelques bribes d’informations sont évoquées : je retourne dans la cellule B4 avec les « pointeurs » où aucun lit n’est libre. Si par miracle il en reste un, Patrick propose de me le laisser parce que, lors de mon dernier séjour, j’étais déjà à même le sol.
    En pénétrant dans cette geôle, l’accueil est froid, pour ne pas dire houleux. Je retrouve presque tous les anciens codétenus, à l’exception de Cyril, remplacé par un Anglais prénommé Richard qui ne parle pas un mot de français. Je fais mon lit, situé juste à côté du néon et du téléviseur, en laissant toutefois mes cartons fermés. Le personnel administratif ne m’a-t-il pas certifié que j’irais vite au SMPR d’Amiens ?
    Quand je sors de la convocation obligatoire à l’infirmerie pour la distribution des

Weitere Kostenlose Bücher